Depuis toujours attiré par la photographie, Francis Cormon est passé maître dans l'art de la photo aérienne. À bord de son paramoteur, il nous fait découvrir des paysages familiers avec un regard original. Il nous fait l'honneur de nous parler de son parcours !
Tout d’abord, merci à Pose partage de son intérêt pour mes images et ma petite personne !
Mon père était « amateur éclairé » et dès l’adolescence, j’ai pu hériter de ses appareils lors de ses fréquents renouvellements. J’ai donc baigné dès l’enfance dans l’univers de la photographie. Amoureux de la nature, j’ai toujours eu un faible pour la macrophotographie dans les jardins et sous l’eau. La pratique assidue de la diapo a été très formatrice, une époque où on réfléchissait encore un peu avant d’appuyer sur le déclencheur ! Je n’ai pourtant aucune nostalgie et je me demande bien aujourd’hui comment j’arrivais à gérer un rouleau de 36 poses.
Après avoir noyé quelques réflexes avec mes caissons « fabriqués maison », mes images se cantonnent pendant une longue période aux photos de famille et à l’avancement de mes travaux de rénovations. La petite famille enfin installée, la mer étant trop loin et la piscine peu réjouissante, j’abandonne la plongée pour concrétiser le vieux rêve de voler (pas dans les magasins !…). Nous sommes en 2000, cela coïncide avec la timide percée du numérique. Ayant un peu tout essayé, le paramoteur s’impose vite comme la machine correspondant le mieux à mes attentes et mon budget. Je rencontre alors Yves Hélary, qui sera mon instructeur et deviendra surtout un ami. Non seulement il me forme au mieux, mais il m’ouvre aussi les portes de ce petit monde. Il a un besoin urgent de site internet, je n’y connais rien mais la création d’un site me titille depuis peu, je me lance !… Grâce à lui, j’acquière la double compétence de pilote et webmaster, indispensable pour la photographie aérienne.
N’acceptant que rarement des commandes d’images, je reste assez libre de mes choix photographiques. Le paramoteur s’avère alors la machine idéale, lente et manœuvrante, pour photographier ce qui s’offre à moi. Dans une sacoche sur mes genoux, un Canon 5D MarkII équipé du 24-105 IUSM couvrant 80% des focales utiles. J’utilise aussi assez souvent un Canon 70-300 DO, excellent, compact et léger, objectif qui gagnerait à être mieux connu. C’est le seul matériel qui pourrait être considéré comme « spécifique » et réussir une image piquée à 300mm dans cet environnement vibrant et mobile est toujours pour moi une source d’étonnement et de satisfaction.
Le capteur riche en pixels (21Mpx) me permet de recadrer sans complexe en gardant la possibilité d’une double page. Car toute la difficulté est de travailler vite. Malgré sa lenteur, de 30 à 50 km/h, un paramoteur est toujours trop rapide quand il s’agit de choisir ses réglages, sa focale, soigner son cadrage et accessoirement de piloter en gardant un œil sur son environnement. Si l’on est « vent de cul », il faut alors un œil affuté, de bons réflexes (un bon reflex aussi !…) et une vitesse d’obturation conséquente. Evidement, si l’on fait des images « Google Earth » à 1000m d’altitude, on a tout son temps. Mais ce genre de photos n’a aujourd’hui que peu d’intérêt.
Il faut tout d’abord choisir le bon angle, se placer par rapport au soleil pour éviter son ombre, se ménager si possible un espace de secours en cas de panne moteur et enfin veiller à perturber le moins possible son environnement. L’approche de son sujet a aussi son importance. Il faut tout d’abord choisir le bon angle, se placer par rapport au soleil pour éviter son ombre, se ménager si possible un espace de secours en cas de panne moteur et enfin veiller à perturber le moins possible son environnement. Quand on a tout fait pour être au bon endroit au bon moment, reste une part de chance non négligeable qui amène parfois son piment. Vous imaginez sans peine le plaisir d’une fin de vol quand vous vous préparez à poser avec une carte mémoire bien remplie !…
La prise d’une photographie aérienne est évidente, rien de plus simple. Faire en sorte que ses images sortent parfois du lot et soient remarquées est beaucoup moins évident. Pour mettre toutes les chances de mon coté, ma part d’improvisation est la plus réduite possible.
Les fenêtres météo favorables à la photographie en paramoteur sont rares en Normandie. Il faut à la fois cumuler des conditions favorables à un long vol sans turbulence et un environnement lumineux. Au moment où j’écris ces lignes, cela fait trois semaines que le vent ou la grisaille me privent des belles couleurs d’automne, ce sera pour une année prochaine !…
Un vol photo commence la veille quand le site Météo-France s’avère enfin prometteur. Il me faut alors optimiser le vol en trouvant un terrain de décollage, préparer des points GPS remarquables et consulter la réglementation aérienne du lieu survolé. Au printemps et en été, le plus difficile est encore de régler son réveil sur 5h du matin. En effet, si l’on veut se renouveler, il faut accepter de prendre sa voiture pour décoller assez loin de son lit, en profitant de la belle lumière matinale dans une masse d’air encore calme.
Une fois sur place, reste à improviser un terrain de déco dans une zone déterminée sur Google Earth et transformer ce chiffon affalé dans la rosée en une aile capable de me porter. Ce n’est plus un problème après 10 ans de vol, mais c’est parfois technique pour un débutant.
J’ai passé des années à accumuler des diapos dans de jolies pochettes plastiques… et après ? Aujourd’hui, mes images sont visibles du monde entier sur mon site internet, parfois dans les heures suivant le vol. De l’argentique, je garde le souvenir d’un grand plaisir à la prise de vue et d’une certaine exaltation à la réception des petites boites de diapos. Beaucoup de cuisine aussi lors des tirages couleur cibachrome. Mais j’ai vite coupé le cordon sans jamais nourrir la moindre nostalgie. Via internet, le numérique offre d’infinies possibilités à l’amateur qui, si ses images le permettent, peut évoluer progressivement vers une activité semi-professionnelle. Le matériel acquis, la prise d’images est devenue gratuite et sa visualisation instantanée, offrant au photographe la possibilité de tenter toutes sortes de combinaisons. Un labo numérique est aussi aujourd’hui assez simple à mettre en œuvre, même s’il n’est pas forcément moins coûteux. L’inconvénient de pouvoir tout faire chez soi et par soi même est de devoir y consacrer beaucoup de temps.
Je viens juste de changer d’ordinateur, Lightroom a été mon premier logiciel installé, Photoshop attendra que j’aie un peu plus de temps. Vous l’aurez compris, mon post-traitement se limite la plupart du temps par un développement dans LR. Certes, ce soft bénéficiant d’outils de plus en plus sophistiqués, on n’est parfois pas loin de la retouche.
En fait, je considère faire en vol une simple capture de pixels, les mieux cadrés possible à la fois dans la composition que dans l’histogramme. Une fois au chaud derrière mon écran (avec un petit café svp…), j’essaie que l’image colle au mieux à ce que j’ai vu. Nous sommes dans le pleinement subjectif, l’interprétation de mon boitier n’étant pas plus réaliste que l’interprétation de mes propres barrettes de mémoire cérébrale. À partir d’un fichier raw, j’applique donc mes réglages et souvent un léger recadrage.
D’expérience, j’ai pu constater qu’il est plus facile d’apprendre à piloter que d’apprendre à faire de bonnes images. Les lecteurs partent donc avec un avantage certain. S’ils désirent voler en paramoteur, je leur conseillerai de bien choisir leur instructeur, le meilleur et le pire se côtoyant dans ce petit monde. Enfin, autant désillusionner tout de suite certains photographes pros qui verraient là l’occasion d’augmenter leur chiffre d’affaire. Pour des commandes d’images, rien ne remplace l’hélicoptère, nos parapentes étant trop limités dans leur domaine de vol si l’on tient à garder des marges de sécurité et une certaine qualité d’image. A contrario, celui qui comme moi, attendra patiemment le bon moment pour aller butiner nos paysages et saura se contenter d’une production limitée, celui-là connaîtra des grands moments de bonheur.
Au moment où j’écris ces lignes, « Au-dessus de l’Orne » vient de paraitre aux Éditions des Falaises, les images du Calvados sont faites, le livre devrait sortir au printemps, je me tourne donc vers la Manche pour finir de couvrir les 5 départements normands. En même temps, sort début décembre un portfolio de 26 pages dans le magazine Au Fil de la Normandie. Une exposition au château de Bénouville, à Caen, est en préparation à l’initiative du Conseil Général du Calvados. Le plus difficile reste d’assurer suffisamment de vols pour avoir une bonne répartition géographique et contenter un maximum d’intervenants.
Pour la Manche, je ne ferai pas les images en para-moteur, trop loin de chez moi pour m’y rendre inutilement si la météo ne tient pas ses promesses, mais en autogire, machine à voilure tournante peu sensible au vent et turbulences. L’occasion de comparer les deux machines d’un point de vue photo, un article de 6 pages m’a déjà été commandé sur ce thème. Enfin, un livre plus ambitieux devrait sortir, regroupant une sélection d’images illustrant la Normandie. Passé ce cap, j’arrête les couvertures territoriales pour me consacrer à des projets plus ponctuels, sans pression inutile, pour le simple plaisir de voler et photographier.
Je n’ai pas choisi ces images pour leur qualité esthétique, ce ne sont pas mes préférées et je laisse pour cela les lecteurs faire une petite visite du « best-off » de mon site, mais parce qu’elles m’inspirent quelques réflexions.
J’étais en Dordogne depuis une semaine seulement et, la météo étant particulièrement favorable, j’avais déjà l’impression d’avoir tout fait sur les trois principaux châteaux. En me baladant dans le vieux Sarlat, j’aperçois une carte postale où le Château de Beynac émerge du brouillard, à l’image de mes photos de Château Gaillard. Conditions rares, c’est en général le privilège de ceux qui habitent sur place, je n’ose espérer profiter d’un tel spectacle. Deux jours plus tard, après un déco à 6h du matin, j’aperçois Castelnaud perché sur une mer de nuages. J’exulte et prends le risque d’une longue séance de shooting aérien sans voir le sol. Un sentiment étrange, vous êtes alors partagés entre l’immense plaisir de faire de belles images assez rares et la crainte sournoise de la panne moteur, qui pourrait rapidement tout faire basculer en cauchemar. Mais à l’atterrissage, c’est « la banane assurée » !… La photographie aérienne en paramoteur, c’est aussi une part de chance, mais à condition d’accepter de se lever très tôt pendant ses vacances.
Nous profitons de notre déplacement au salon ULM de Blois pour un décollage matinal en direction du château de Chambord. Si le pilote s’amuse bien, le photographe n’est pas à la fête !… La réglementation aérienne nous impose de rester à une distance minimum de 1000m et l’atmosphère est trop brumeuse pour espérer faire la carte postale du château. Je décide alors de sortir des normes en profitant de cette brume, quitte à l’accentuer. J’abandonne le 24-105 pour le 70-300, m’éloigne un peu et me place en vol rasant à contre jour, tout le contraire de ma pratique habituelle. Au final, pas la meilleure image du monde, mais une image un peu originale qui met en valeur la fameuse toiture du château. En photographie aérienne aussi on est souvent obligé de réfléchir à son sujet et composer avec l’environnement.
Pour ramener des images intéressantes, j’ai déjà rabâché qu’il fallait oublier les grasses matinées, il faut aussi ne pas être trop frileux. Toute la difficulté de cette image est d’être bien placé pendant le bref instant où le paramoteur est la fois éclairé et sur fond sombre. Par une température de -11°C, je ne pourrais demander à mon mannequin de multiplier les passages. En shootant, j’ai eu juste le temps d’apercevoir que l’image fonctionnait, que tout était à sa place. J’ai le souvenir tenace d’un vol magnifique sur cette chaîne des Puys, j’ai aussi le souvenir d’un changement brutal des conditions et d’un retour en stop, préférant galérer sans danger au sol plutôt que de tenter un retour agité par les airs !…
La photographie a toujours fait partie de la vie du photographe Francis Cormon, d'abord la macro-photographie, puis la photo sous-marine. C'est en 2000 qu'il décide de quitter les fonds marins pour prendre de l'altitude en passant un brevet ULM et se convertir au tout numérique. Le paramoteur, une aile de parapente motorisée, s'impose vite comme l'engin le plus adapté à son type de prise de vue. Depuis, le ciel de Normandie reste son terrain de jeu favori, qu'il photographie tantôt avec un oeil d'artiste, tantôt avec son regard de professeur de sciences.
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