Aigle royal, une histoire magique

04/03/2012 à 10:19

Karine

Bonjour à tous,

Voilà, après avoir récupéré, je vais vous poster les quelques photos du couple d'aigles royaux que j'ai photographiés.
Concernant les détails et explications, vous pouvez aller voir le premier post par ici.

Mon histoire avec les aigles a commencé il y a presque 6 ans, par curiosité, dans un affut. Le coup de foudre… je vois pour la première fois de ma vie un aigle, dans son milieu (j'ai jamais été adepte des zoos…), et là je me mets à pleurer. Depuis, cela ne m'a plus quitté. J'ai rencontré par la suite des spécialistes de l'espèce, qui ont éveillé en moi encore plus de curiosité et surtout, d'envie de protection.

Pourquoi protection ? Il faut savoir qu'en France nous sommes assez ariérés dans le domaine. La protection existe par une directive européenne (Natura 2000), seulement, l'administration française, souvent à la botte des élus locaux et du préfet, l'igore. Il faut donc se battre, ornithologues, naturalistes, pour arriver à ce que l'espèce soit protégée. Lettres, pressions de l'Europe sur la DREAL, allant parfois jusqu'au procès (même souvent), tout cela pour simplement faire respecter une protection par l'administration.

Protégée de quoi ? La plupart du temps, des dérangements. Espèce très sensible au dérangement comme je l'explique dans le lien donné plus haut, la nidification ne tient souvent qu'à un fil. D'ailleurs, les photographes sont très mal placés dans le palmarès des activités qui dérangent le plus. Souvent avides de photos, ils ne se rendent pas compte du risque (parfois ils le font volontairement). C'est pour cela qu'il est important d'arriver le matin à l'affut, et de partir le soir dans la nuit.

Sur la trentaine de couples du massif central, seulement 2 bénéficient d'une protection. Le couple du Mont Aigoual bénéficie d'un arrêté qui interdit, en période de nidification, les activités telles que la randonnée ou le canyoning (ce qui a valu la colère des acteurs touristiques, et même un procès contre le parc national des cévennes heureusement qui n'a pas abouti).
La seconde protection est sur la réserve du ranquas, de l'initiative personnelle de Christian Petty, l'affut est sur sa propriété. Il a installé une cloture sur 1, 7km aux abords du nid pour prévenir les promeneurs que s'ils franchissent cette zone, ils risque de déranger des rapaces. Il a également fait démonter une ligne électrique, cause très importante aussi de disparition de rapaces sur le secteur (collision et électrocution).

Pour le reste, rien. Le tourisme est aussi un facteur de dérangement, la fréquentation touristique étant poussée par divers projets des collectivités, cela peut mener vers une désertification à certains endroits des couples nicheurs, qui font pourtant toute la richesse du lieu…

Bref, un bilan assez pessimiste quant à la réelle protection de ce rapace, heureusement beaucoup de passionnés passent du temps et de l'énergie à vouloir protéger ces oiseaux magiques. Des suivis sont effectués, et si tout se passe bien au printemps, les aiglons de la région devraient être bagués pour la première fois. Une excellente nouvelle car des couples suivis sont des couples mieux considérés (cela nécessite beaucoup d'argent), et donc mieux protégés !

Maintenant, voici les quelques photos.

1. Arrivée à 6h à l'affut, avant le lever du jour. J'entends les aigles, déjà, ce couple a la particularité d'être très bruyant, alors qu'on considère généralement les aigles royaux comme assez discrets. A peine un peu de lumière, j'aperçois déjà une silouhette au loin… puis elle s'envole, laissant place au vide, jusqu'au soir.


2. Puis plus tard, vers 12h, c'est le grand corbeau qui vient faire un tour, très prudent. On assiste souvent à des bagarres entre grands corbeaux et aigles, assez impressionnantes. Vu ou il est, et vu son niveau de stress, il sait qu'il n'est pas très prudent de rester par ici…


3. Et voilà madame qui fait son apparition, vers 17h30. Mon souffle se coupe. Et c'est là que je vois que j'aurai ptêtre quelques brindilles à couper l'hiver prochain :P


4. Puis elle s'élance !


La suite demain :)
Là en toute franchise, je suis super contente de les avoir vu, j'ai pu passer parfois 12h sans qu'il ne se passe rien et là c'est dur. Alors que là, j'ai été gatée, même s'ils sont venus assez tard finalement pour les photos, ils sont venus quand même.
04/03/2012 à 10:28

Onikenji

Chouette explication et compte rendu Karine !
La photo 2 est géniale, mais alors la 3 elle est :-w
Rah, j'ai hâte de commencer la photo en affut. J'ai déjà prévu d'aller faire quelque repérages aujourd'hui et de commander le Tragopan :-y

J'èspère pouvoir faire d'aussi belles photos que les tiennes Karine ;)
04/03/2012 à 10:31

Alexshots

Eh bien… quelle patience, quelle générosité et quels sacrifices !
Chapeau bas pour ton travail sur ces magnifiques rapaces (et le travail de Christian et autres passionnés)…
Et belles photos également ! Madame Aigle est splendide, surtout quand elle prend son envol…
04/03/2012 à 10:41

koriggan

pfouii les 2 derniere sont genial :-y rien que de voir ça, ça donne des frissons le pied quoi.

Ralala concernant les aigles ou meme beaucoup d'autre espece, y a encore enormement de boulot d'education dans notre beau pays et dans le monde aussi.
Mon oncle garde national dans le Vercors me disais que la carte des points de nidification resté confidenciel est n'etais partager qu'entre les plus agueris des observateurs, c'est pour dire a quel point  des gens peuvent-etre abruti pour que l'on cache ce genre de renseignement, ( vive les chaseurs bande de moule ceux la).
04/03/2012 à 10:44

Cassis

Cette série est superbe ! Bravo à toi !
04/03/2012 à 10:52

cece1508

Quelle patience, bravo ; tu as été récompensé.
La 3, sans les brindilles serait topissime.
04/03/2012 à 11:12

Henriette

Merci Karine pour ces photos et ce partage sur ta passion et ton engagement.
04/03/2012 à 11:27

Karine

Merci pour vos retours !
Bon après heureusement que j'y vais pas que pour les photos, je ne sais pas si j'aurai la même patience sans être passionnée.

Et oui Korrigan, c'est souvent le problème. On est le cul entre deux chaises, soit on sensibilise pour protéger, soit on cache les choses pour protéger.
Je me suis fait engueuler il y a 3 ans par un cameraman animalier (pro, qui a déjà fait plusieurs films) car j'avais fait une pétition contre un projet d'aménagement qui aurait viré un couple d'aigle royal nicheur (le projet était une volerie de rapaces captifs). 7000 signatures sur la pétition, relayée par la suite par la LPO, c'est ce qui a mis la pression à la DREAL pour annuler le projet.

Bien entendu, en contreparti, les gens savaient qu'il y avait un couple dans le coin. Mais si j'avais écouté le caméraman qui me disait irresponsable à l'époque, le couple d'aigles sauvages ne serait plus là et on aurait un beau spectacle de rapaces captifs à la place… pourtant lui, ne s'est pas bougé. Je l'ai rencontré par la suite l'an dernier sur le causse en train de filmer le même couple pour faire un documentaire…

Donc il est clairement préférable de ne jamais parler des nids, cependant, parfois, la sensibilisation c'est aussi faire participer les gens, les habitants, qui se sentent investis d'une "mission" de surveillance. C'est ce que fait un ami, aussi agent du parc national des cévennes (et spécialiste de l'aigle), qui a organisé quelques sorties d'observation, afin de montrer la limite de tolérance au dérangement (700m du nid environ). Mais il l'a fait sur le seul couple protégé par l'arrêté au mont aigoual.

Christian fait de même, il sensibilise les gens avec son couple nicheur. Sa gestion tourne autour de ça, et les chasseurs savent bien que le couple est devenu un peu trop "connu" pour y toucher.
Faut juste savoir quand en parler, à qui, quel contexte, même si bien entendu d'une manière générale il ne faut pas révéler ces informations.

Après, cacher les données c'est pour protéger les nids des chasseurs (quoique, la plupart des tirs n'est pas au nid), mais aussi et surtout des curieux, observateurs et photographes.
Parfois aussi les gens qui détiennent ces données sont un peu cons et veulent s'approprier la connaissance (je fais pas une généralité évidemment). C'est comme cela que même le spécialiste que je connais du parc n'a pas eu accès à certaines données dans d'autres départements ! Le travail en collaboration avec les autres personnes qui suivaient s'est avéré très difficile.

Heureusement que ce n'est pas la majorité, mais en tous cas, parfois ça bloque un peu le travail de suivi de l'espèce. Comme quoi, y'a de tout dès qu'il s'agit d'une espèce un peu emblématique…
04/03/2012 à 12:06

Darth

Cela va te paraitre bien peu, mais je comprends tout à fait ce que tu as ressenti.

Je pense, et tu me corrigeras si j'ai tord, qu'il est très difficile de faire passer l'émotion que l'on ressent à ce moment, malgré l'application du texte, il faut le vivre pour le comprendre.

En tout cas, merci pour cette petite fenêtre sur un bonheur…indescriptible !
04/03/2012 à 12:50

koriggan

he he les histoire ce suive et ce ressemble, toujours les memes dilemmes sur la protection de la nature, de notre point vital.
Ce que beaucoup de monde n'on pas conscience c'est que si on bouzille la nature en va creuver a petit feu, defois j'aime a etre extremiste est me dire qu'il faudrais parfois enlever l'espece humaine pour un meilleurs equilibre de la planete, bha mais non quand meme j'aime mes enfands alors bon…

en tous cas mon oncle ma filer une petite info rien qu'a moi donc pas pour vous :P he he, pour d'abord et avant tous observer cet oiseaux la,
apres j'ai un bon coin a vautours fauve ou j'adore allez (4h de marche quand meme) des que je peut, ils sont beaux les vautours ne jamais dire le contrere ;)

Merci Karine pour ce poste, est oui, darth a raison il faut l'avoir vue et vecue pour comprendre l'emotion que cela suscite.
04/03/2012 à 13:49

Erwan

Merci Karine pour ce partage aussi bien en explications et commentaires qu'en images ! Bravo ! :D
Sinon moi je vais "filer" Koriggan dans des affuts pour connaître la petite info de tonton… :D;)
04/03/2012 à 17:48

SimoneW

woh, c'est vraiment génial et très impressionnant à la fois ! :D
j'aime beaucoup la photo de la madame :)

hâte de voir la suite :D
05/03/2012 à 05:39

Christ

Pfff tu me fait baver Karine,

tes photos sont juste magnifique, ainsi que ton engagement pour cette causse.
Moi qui me suis mis dans la tête de photographier la buse variable, mais j'en suis juste au tout début. je t'envie.

@ Oni ta commander quoi ? :-ole tragopan ? :-o tu ne ma rien dit ? :-f

en tout cas Karine, encore bravo.
05/03/2012 à 05:56

Mini-Renne

quels grands moments cela doit être de pouvoir ainsi les photographier !
dommage pour les petites brindilles, mais on distingue bien l'oiseau !

ton rocher ressemble à un animal aussi, ou alors, c'est mon imagination…
05/03/2012 à 10:23

Karine

Héhé Christ, "causse" c'est marrant le lapsus :)
Je pense que niveau photo c'est perfectible, mais ça, c'est pas en un affut photo qu'on peut avoir une bonne série, c'est un travail sur plusieurs années pour multiplier les chances d'avoir une bonne lumière quand on les voit.

Pour ce qui est du ressenti, il est clair que c'est difficile de le faire passer sur un post de forum photo. Le vivre oui, mais je ressens la même chose, sinon encore plus fort quand je les observe aux jumelles, car dans l'affut les fenêtres sont tellement petites et le champs de vision tellement réduit qu'on les voit de près oui, mais il manque le contexte.
Je ne les vois pas en vol par exemple, alors que leur vol entre les falaises ou sur le causse au coucher du soleil, même quand on voit qu'une forme dans les jumelles, c'est simplement magique ! Et ça c'est donné à tout le monde je pense :)

En tous cas merci beaucoup pour vos retours, si ça peut susciter des envies de protection ça serait vraiment génial.

J'en ajoute un petit peu :

5. Le grand corbeau (lui n'a pas choisi de se mettre derrière les brindilles :P)


6. La femelle après l'envol, manque de lumière vi vi je sais, mais quelle puissance !


Voilou, rdv au prochain affut ! Là ils vont être moins visibles car la femelle va pondre et commencer la couvaison jusqu'à ce que le petit n aisse (en alternant avec le mâle), et soit assez grand pour effectuer tout seul sa termorégulation.

Donc, comme on entre dans une période très critique, j'insiste (mieux vaut trop le dire que pas assez) sur le fait de ne pas s'approcher des nids à moins de 700m à 1km, c'est très important pour éviter un échec de reproduction. Et puis surtout, légalement le dérangement intentionel en période de nidification sur une espèce protégée est condamnable.

Merci pour eux ! :)
05/03/2012 à 16:10

beef

Magnifiquement raconté.
Merci Karine, grace à toi, on est un peu avec toi dans l'affut, même si, comme dit plus haut, il faut le vivre pour se rendre compte pleinement de ce que tu doit ressentir dans ces moments là. J'imagine que l'attente doit être très longue quelque fois, mais quelle excitation cele doit être lorsque tu les aperçoit enfin, toute cette période à espérer.

Je ne sais pas si c'est possible, ou autorisé, mais si c'est le cas, tu dois être impatiente de refaire des affuts une fois le bébé dans le nid non ?

La troisième photo est superbe, c'est vrai que les brindilles sont un petit peu génantes, mais quelque part, ajoutent un vrai plus au coté "affut".

Merci.
05/03/2012 à 17:33

Karine

Merci beaucoup Beef, c'est très touchant.
C'est clair que parfois le temps est très long, il m'est arrivé de rester 12h sans rien voir du tout, même pas un petit oiseau. Alors parfois, quand on a pas trop froid, on s'endort ! Quelques petites siestes de 10-15min sont vraiment conseillées pour garder un minimum de concentration. Et quand on les voit, c'est simple, on oublie toutes les longues heures d'attente.

Disons que pour les photos au nid, j'ai choisis de pas en faire. Le dérangement tient vraiment à un fil, du coup, même si on rentre la nuit et qu'on sort la nuit, à proximité du nid je trouve ça trop risqué. Les aigles dorment dans l'aire avec leurs petits la nuit, du coup, si le soir en partant (ou le matin en arrivant) ils nous repèrent et on les fait fuir, on prend le risque que l'oeuf ou le poussin ne soit pas assez chauffé et meurt. C'est un risque que je me refuse de prendre… d'autant plus qu'une fois je suis restée 2 jours dans l'affut et j'ai déjà observé des déplacements en pleine nuit quand la lune éclaire assez. On peut me dire que je suis parano mais ce qui est sur, c'est que j'ai bien trop de considération pour l'espèce pour penser "photo" avant de penser à leur nécessaire quiétude.

L'affut que j'utilise n'est pas du tout situé à proximité des nids. Les aigles ont des reposoirs qu'ils fréquentent souvent, c'est pour ça que cet endroit a été choisi. De plus, un charnier est utilisé quelques fois par an pour mettre les brebis qui meurent (maladie, mauvaise naissance, etc), ce qui maintient aussi les aigles dans le secteur (en plus du biotope favorisé par christian).

Du coup, les prochaines photos seront soit un des deux aigles (avec moins de chance puisque l'un sera au nid), soit à partir de juillet, quand le ou les aiglons s'envolent du nid, ils restent généralement quelques mois (jusqu'en octobre environ) dans le secteur avec les parents, jusqu'à ce que les parents les virent de leur domaine vital.
Là par contre c'est que du bonheur car les juvéniles sont un vrai plaisir à observer car ils apprennent et ont parfois deux ailes gauches :P
05/03/2012 à 18:07

Erwan

Trop belle la dernière aussi ! la 6.
dommage qu'il ne soit pas net, mais j'immagine bien que ce ne devait pas être facile c'est sur… super pose avec les serres, le plumage et le regard etc…
15/03/2012 à 08:29

Karine

Merci Erwan ! En effet, c'est dommage, il manquait un poil de lumière pour que je puisse un peu plus fixer le mouvement. La prochaine fois peut-être :P

Pour ceux que ça intéresse, j'ai fait un récit complet de l'affut, avec d'autres photos, sur mon blog.
15/03/2012 à 19:43

Erwan

je me fais pas de souci, comme tu es passionnée tu y arriveras ! ;)
Merci pour l'invitation sur ton blog, en tout cas, moi, je vais jeter un ti coup d'oeil ! :D