Pêche électrique dans la Vis - Comptage des truites

02/10/2011 à 22:49

Karine

Hello Pixpop,

Petit reportage pour vous ! Les pêcheurs, malgré leur réputation parfois méritée (il y a de vrais bourins, c'est vrai, mais aussi des gens biens !), sont aussi, et on l'ignore souvent, gestionnaires des rivières (fédérations de pêche, associations de pêches locales).
Mais finalement, pour savoir ce qu'il se fait en matière de gestion et avoir son mot à dire, il suffit d'intégrer l'association locale, ce que j'ai fait, en tant que secrétaire de l'association :P
Je pêche un peu à la mouche, enfin j'apprends, sans prélever le poisson. Enfin c'est plus par plaisir d'être dans ces endroits et j'avoue que depuis que j'ai commencé, j'ai une toute autre conception et connaissance de la rivière.

C'est ainsi que nous avons participé vendredi dernier à une pêche électrique. Ce procédé permet d'évaluer, sur un linéaire d'une centaine de mètre, la biomasse de la rivière (nombre de truites, échelle des ages, etc). Les poissons sont endormis par l'éléctricité, on les récupère dans une épuisette, on les mesure et on les rejette. Il a été conduit par le président de la fédé de pêche de l'hérault, avec plusieurs techniciens, et des bénévoles comme nous.

La rivière de la Vis me tient particulièrement à coeur car déjà, j'habite dans les gorges de la Vis donc je commence à bien la connaitre, c'est une rivière restée assez "sauvage" car difficile d'accès au niveau des gorges (pas d'accès voiture), et… bin c'est tout, c'est ma rivière, quoi :P

Nous avons fait deux pêches électriques à deux endroits différents. J'ai pris en photo la seconde, dans les gorges. Comme j'étais moi-même à la bio (mesure des truites et inventaire), je n'ai pas pu m'appliquer et j'ai fait seulement lorsque j'étais libre, donc ça a été tendu. On peut pas tout faire :P
Mais j'ai pensé que ça pourrait intéresser des gens d'avoir le déroulé de ce genre de procédé.

Nous sommes équipés de combinaisons en néoprène (waders pour les connaisseurs) pour éviter de se faire… électrocuter :P

1. Pour commencer, on trouve plusieurs choses dans la Vis. On trouve des truites fario (autochtones), mais aussi des chabots et vairons. Les chabots sont une espèce protégée. On positionne 3 cagettes destinées à recevoir les truites trouvées (l'eau y circule pour ne pas asphyxier les poissons) et trier le reste.


2. Il y a du monde, mais chacun a un rôle défini. Deux personnes tiennent deux "nodes" électriques (ici le président de la fédé, au centre). D'autres sont à côté avec une épuisette (ici à droite et à gauche), pour récupérer les poissons "endormis".


2bis


3. Ensuite, le poisson de l'épuisette est mis dans un des sceaux de ceux qui suivent.


4. Lui est appelé l'homme Y, il a pour rôle de répartir l'électricité entre les deux nodes (pas simple car il tire en même temps le câble électrique dans la rivière)


Le poisson est mis dans les cagettes (photo 1), et mesuré.
5. La mesure des truites


6. Ici une petite truitelle de l'année (10cm)


7. Et pour la fin, la Vis, et les pêcheurs qui finissent le linéaire dans une belle lumière. C'est une rivière 1ère catégorie, donc la pêche est permise seulement de mars à septembre afin de laisser les truites se reproduire "en paix".


D'autres sont aussi à la sécu, pour couper le courant au cas ou il y ait danger.

Voilou, beaucoup de photos, mais c'est plus l'aspect reportage et partage qui est important ici. J'ai pris le 50mm, sauf pour les mesures (100mm) et pour la première (UGA).

Le résultat c'est qu'on a fait seulement pour les plus gros poissons 2 truites de 30 cm, ce qui n'est pas beaucoup. Bien évidemment ce sont des truites sauvages, donc elles n'excèdent souvent pas les 45cm (et encore, là c'est très gros !). C'est aussi une rivière très difficile à pêcher, donc les pêcheurs n'ont pas une forte incidence sur la biomasse de poissons. A notre connaissance, le plus gros problème, comme souvent, c'est la préservation du biotope. On a de la chance que l'eau ne soit que très peu polluée (pas de cultures sur le causse donc pas de pesticides par exemple, sauf par la DDE pour désherber le bord des routes…), par contre, les captages d'eau sont un soucis, ainsi que d'autres pratiques. Malheureusement, lorsqu'on s'en rend compte, il est souvent déjà trop tard. Les rivières sont très fragiles dans ce domaine, les suivis sont donc nécessaires.


02/10/2011 à 23:04

L3

Et bien tu vois Karine, je suis fainéant et un peu crevé ce soir . Bref la flemme de lire un roman à l'eau de rivière* mais il n'y a qu'ici que l'on trouve de tels reportages où des passionné(e)s nous font partager des instants qui leur tiennent à coeur :-t

J'ai donc lu et ne le regrette pas . Je ne parlerai pas des photos, ce ne sont là que des supports plus que des thèmes (du moins je le perçois ainsi ;)) si ce n'est de la numéro 6 qui, celà va sans doute étonner son monde, me plait plus que d'autres .

Edit : les n° 1 & 7 sont quand même très belles mais chut, je n'ai rien dit ;)

(*) cf : roman à l'eau de rose

02/10/2011 à 23:12

Karine

Merci beaucoup L3 d'avoir fait ce petit effort, je crois que tu vas bien dormir maintenant :P
Ton commentaire me touche beaucoup en tous cas, je suis contente que tu parles de passion parce qu'il s'agit vraiment de ça. C'est pas évident d'écrire un si long texte non plus, alors ça fait super plaisir que ce soit lu :)
03/10/2011 à 05:37

chana

Merci du partage Karine ! c'est super intéressant et ça fait plaisir de voir que des gens  s'investissent pour la protection de la faune…
Perso je ne connaissais pas du tout ce système de pêche électrique…
Bravo pour ton investissement ! :-y

Chris
03/10/2011 à 06:36

Mini-Renne

comme Chana, j'ignorais totalement cette façon de procéder, je ne pensais même pas qu'on pût utiliser de l'électricité pour endormir des poissons et ainsi les mesurer…
merci donc pour ce partage,
je vois que tu t'investis beaucoup dans ta région, c'est très louable !
03/10/2011 à 07:10

SGG

Merci pour ce reportage très instructif dans ce bel endroit. Je ne connaissais pas non plus cette technique (bien qu'étant pêcheur occasionnel).
03/10/2011 à 08:39

Rapata

Merci beaucoup Karine pour ce reportage, très intéressant.
 
Lorsque j’ai lu le titre « pêche électrique » j’ai cru rêver, puis j’ai poursuivi quand j’ai vu que tu en étais l’auteur. Je ne connaissais pas cette pratique, c’est assez technique et demande une organisation précise j’imagine.
 
Une seul question, la décharge électrique endort les truites, ok, mais n’est-elle pas susceptible de tuer des espèces beaucoup plus petites  ? (Ecrevisses… )
 
Pour les photos, j’adore la dernière, luminosité parfaite et un côté dynamique, j’entends d’ici le bruit de la rivière.
03/10/2011 à 09:23

Karine

Merci beaucoup pour vos commentaires :)
A vrai dire, avant de le faire, moi non plus je ne connaissais vraiment pas cette technique de comptage.

Rapata : je me suis posée moi-même la question, et j'ai du coup demandé au directeur de la fédé de pêche avant de commencer et de voir par moi-même. Il m'a dit que la décharge été mesurée, et ce n'était pas n'importe qui qui pouvait tenir la node car il ne fallait pas toucher le poisson (risque de brulures). La rivière étant très claire, on y voit assez pour voir le poisson. On a ramassé des truites, et truitelles de l'année (10cm), mais aussi des chabots (c'est beaucoup plus petit) et vairons, sans perte.
Avant la mesure, ce que j'ai oublié de préciser, c'est que les poissons ne sont pas suffisamment endormis pour les mesurer sans risque (mesurer un poisson qui glisse dans les mains, c'est un risque supplémentaire de blessure). On les plonge donc dans un produit pour les endormir.

Ensuite, on les remet dans une bassine, et on attend le réveil. On controle chaque truite (là j'ai été particulièrement attentive :P), et si besoin, on peut procéder à un massage pour que la truite reparte. On en a sauvé une comme ça, et elle était d'environ 20cm. Aucune perte au niveau chabots et vairons (plus petit qu'une écrevisse).

Apparemment d'autres techniques ont été expérimentées (filets par exemple), mais il y avait trop de perte (truites abimées ou écrasées).

Pour les écrevisses, je ne les ai pas énumérées dans la liste de ce que l'on trouve mais on en trouve bien dans la Vis, seulement ce sont des écrevisses américaines importées, qui ont décimées les populations d'écrevisses autochtones. Donc celle là, si on les tue, c'est pas une grosse perte :P. D'ailleurs avis à ceux qui aiment ça…elles sont déclarées nuisibles, mais là c'est pas comme le renard, elles sont réellement nuisibles car elle mangent les petits poissons en grosse quantité ce qui peut poser problème au niveau reproduction des truites.

Si vous avez d'autres question, faut pas hésiter !

Edit : Merci Flambidou :) Oui, il vaut mieux ne pas tenter le "pieds nus", même si je n'ai pas réussir à savoir la portée de l'électricité (elle ne doit pas être énorme, située juste là ou il y a les nodes), c'est surtout s'il y a un problème, en ayant un truc électrique dans l'eau vaut mieux prendre toutes les dispositions ! (et puis l'eau étant à 12°C, dans tous les cas, c'est un peu froid sans :P)

03/10/2011 à 12:49

fanatique2numerique

Très interessant cet article.
Et les photos sont belles… Ça donne envie de sortir la canne à moucher.  Même si c'est pas la saison.
Mais je me pose une question.
À quoi ça sert en fait. 

Quelle importance de connaitre avec précision la densité de poisson dans la rivière, 
Tout pècheur habitué à cette rivière doit être capable de te le dire sans avoir besoin de déployer cette armée.
Oui, je sais, ils sont tous des amoureux de la nature, et sont attentifs, mais quand même… lorsqu'on les voit
marcher de front dans l'eau on ne peut s'empècher de penser que ça doit quand même pertuber pas mal le poisson…
Non ?

Je joue un peu l'avocat du diable, c'est vrai. Mais je m'interroge aussi… 
On sait que la peau d'un poisson, truite en particulier est fragile et n'aime pas le contact des mains… alors, les mettre
dans un gabarit pour les mesurer… 

Je m'interroge… 
03/10/2011 à 13:21

Karine

Et tu as raison de t'interroger !

Tout pècheur habitué à cette rivière doit être capable de te le dire sans avoir besoin de déployer cette armée.


Oh oui, tout pêcheur se croit capable de le dire… et ça, on en entend tous les jours des commentaires sur "on voit moins de grosses truites, y'a moins de poissons, etc".
Mon copain est un très bon pêcheur à la mouche (mais il ne le dira jamais :P), habitant à côté de la rivière, il la connait plutôt bien, suit le frai, ect. Pourtant il ne pourra jamais prétendre savoir ce que prétendent savoir ceux qui viennent peut-être 2 semaines en tout par an ici. Et il leur répond que seule l'analyse scientifique peut le dire… la Vis est tellement particulière, les poissons sont "éduqués" et l'approche très difficile. On pêche la plupart du temps "à vue", c'est à dire en voyant le poisson.

Un pêcheur habitué mais bourin dira qu'il y a moins de gros poissons, alors qu'ils sont simplements plus habitués et s'en vont plus vite dans les caches dès qu'ils voient un pêcheur à 50m, ou même sans voir, juste avec les vibrations des pas ou les mouvements dans l'eau.

Un exemple qui date de cette année : mon copain pêche un linéaire d'une dizaine de mètres. Il voit un pêcheur qui l'interpelle, qui se dit habitué qui vient depuis 50 ans ici. Il critique les pêcheurs à la mouche, en disant qu'on fait fuir les poissons, qu'il n'y a plus de poissons, etc. Mon copain lui demande combien il a mis pour pécher ce linéaire. Le pêcheur lui répond : 1h. Mon copain : et bien, moi j'ai mis 4h. Les truites sont là, et reviennent, si on a la patience de les attendre… ;)

A quoi ça sert de mesurer la biomasse, et bien simplement à évoluer l'état du biotope de la rivière. Les truites, et surtout les chabots, sont des indicateurs fabuleux de l'état de la rivière. Ainsi, en regardant les comparaisons avec les autres années, on peut déceler -au plus tôt- une éventuelle pollution ou de mauvaises pratiques.

Il  y a deux ans, un pont a été refait au dessus de la rivière. Cela a changé significativement la "forme" de la rivière, les caches sont moins nombreuses en aval du pont, etc. On a donc fait la première pêche ici.
Idem, un captage a été installé par le SIVOM, il ne fonctionne pas pour le moment (car il est illégal…). Ces études ont déjà prouvé que le nombre de captage dans la Vis diminuait la biomasse. Reste à définir la limite à ne pas atteindre afin de ne pas porter atteinte à la biodiversité de la rivière. Peut-être que ces études contribueront donc, à protéger cette rivière. Peut-être pas, car bien évidemment les nouveaux bâtiments prévus qui puisent dans les ressources en eau d'une région assez sèche mettent la pression sur la protection des rivières.

Dans tous les cas, les truites s'en sortent bien, on ne les manipule que très peu car avec des épuisettes (juste pour la mesure avec les mains) et on a jamais constaté de mortalité après une pêche électrique. Bien évidemment, on ne peut pas assurer qu'elles ne subissent pas, aussi bien que l'on ne peut assurer qu'elles subissent cette pêche.

J'espère avoir répondu à tes interrogations :)

Merci Vincnet pour ton commentaire :)
03/10/2011 à 13:31

ByConstellaire

Euh, ben, pour des photos pas soignées, et à l'arrache, hein, c'est déjà super !

Très instructif, en tout cas… Et je sais pas pourquoi, mais je suis contente que tu sois secrétaire de l'association…

Coup de coeur pour les photos 5, 6 et surtout la 7… Cette lumière…
03/10/2011 à 13:39

paced

Superbes clichés, reportage visuel suivi de commentaires très explicites et coordonnées aux clichés ! on suit cette séance comme si on y était   :-y
03/10/2011 à 18:29

Karine

Merci Paced et Byc :)
Byc, tu sais, on a que peu de pouvoir dans l'association… quand on a une idée, ça doit passer à la fédé, dont le bureau est composé de personnes qui ne sont pas toutes "biens" (et oui, comme je le disais, la pêche ce sont aussi des bourins qui n'ont que faire de la protection des rivières). Les travers de la démocratie… on en est encore au point ou, l'an dernier lors de la pêche électrique, le président de l'autre asso qui gère aussi la Vis a tué un poisson devant tout le monde et l'a mis dans son sac. On est encore loin d'une intelligence à ce niveau, mais bon, on essaie… si j'avais été là l'an dernier, je crois que je lui aurai foutu la node dans les couilles à cet abruti (pardon pour le langage, mais vraiment, quelle tête de con !)

03/10/2011 à 19:24

fanatique2numerique

Karine a écrit :

Et tu as raison de t'interroger !

Tout pècheur habitué à cette rivière doit être capable de te le dire sans avoir besoin de déployer cette armée.



J'espère avoir répondu à tes interrogations :)



Oui, tout à fait, et je te remercie d'avoir pris le temps de répondre à ce questionnement.

Et ça me démontre une fois de plus qu'une personne passionnée par la photo a très souvent d'autres centres d'interet. Bravo pour ton engagement.

04/10/2011 à 12:03

Karine

Merci fanatique, avec plaisir :)
A vrai dire, oui, plein de passions, je vis même la vie en passionnée (ce qui n'est pas sans chute parfois), et en effet la photo en est l'une des composantes :)
04/10/2011 à 12:20

loic38

ouiouiphoto a écrit :

Beau reportage. Vivement celui sur la pêche à l'explosif ;)


Peu etre pas a l'explosif mais avec la pratique ,car la peche a la mouche doit réservé de belle photo avec le geste de la canne et son file de soie.

04/10/2011 à 12:34

Karine

Ah ça, l'explosif, c'est la spécialité du conseil général de l'Hérault ! (le site d'un ami : http://www.st-guilhem-le-desert.fr/pompage_herault_bueges_catastrophe_ecologique_danger_scandale-p57.htm)

En effet, la pêche à la mouche amène de belles photos à faire, surtout dans ce cadre. Ca reste difficile car il ne faut pas se mettre avant le pêcheur, sinon on fait fuir les poissons :-i

J'ai souvent pris mon appareil photo mais je n'ai pas encore la photo que je voudrai :P (juste après l'orage, en fin d'après midi, il y a des lumières fabuleuses, et de la brume se forme au dessus de la rivière en plein été, mais il faut donc ces conditions très particulières, et être dans les gorges pendant l'orage puisqu'il y a au minimum 40min de marche pour y aller depuis la maison). Un jour, peut-être ;)
04/10/2011 à 16:52

L3

…juste après l'orage, en fin d'après midi, il y a des lumières fabuleuses, et de la brume se forme au dessus de la rivière en plein été…


:) :D :-y j'imagine…