On fait parfois de drôles de rencontres

08/11/2010 à 12:37

fanatiquedenumerique

Je crois fermement, que la photographie amène à plus d'attention sur le monde qui nous entoure.

Le texte et les photos suivantes datent de 3 ans. Mais j'avais envie de vous faire partager le plaisir que j'ai eu à rencontrer Denis Fantomas de Montréal.


Son passé immédiat…

C'était le 20 septembre.
À Montréal, nous avions droit à une de ces « célébrations » comme on en invente tant aujourd’hui.
Après la journée des Mamans, des Papas, de la terre, de l'eau… il faut se "brainstormer" pour inventer.
C'était fait ce jour-là à Montréal.

On a repris "La journée sans auto". Il faisait très beau au centre ville.
Une manif qui se voulait écolo mais qui donnait beaucoup de place à des marchands de bicykes et aux hommes politiques. Quelque chose d’un peu surfait. Les petits enfants assis sur des plaques de gazon au milieu d’une des artères les plus passantes de Montréal.

J’ai atterri là avec mon appareil photo. Je pensais pouvoir faire quelques photos intéressantes.
J’ai fait plus que ça. Une rencontre assez surprenante. Au coin de Jeanne-Mance et St Catherine.
Là, par terre, dans ce qui ressemblait à deux carrés de sable, il y avait ce qui pouvait ressembler à une exposition.
Une exposition morbide. Un cadavre d’écureuil posé sur un sac de supermarché.




Des objets insignifiants, ce qui restait d’un oiseau, posé sur un bloc de béton.
Une mise en scène étrange et dérangeante.
Un relent de « Jeux interdits ».

Et debout devant tout ça, filmé par un jeune journaliste, un personnage.
Un vrai.


Vêtu d’un t-shirt rose bonbon.



Le melon noir affublé d’une décoration de Noël en plastique.
Et un regard étonnant.





Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander ce qu’il voulait montrer. Il m’a répondu par une autre question.
« Combien d’objets as-tu utilisé dans ta vie ? »
Je dois dire que sa question m’a surpris. Et il est parti dans ses explications.




Sa vie ?
Pendant longtemps, architecte. Nanti.
Puis, décrochage. La sensation d'aller nulle part.
Depuis, sa vie, il la consacre à ramasser des objets que les gens jettent.



Pas des objets de valeur que l’on peut revendre.
Non des objets insignifiants en apparence.
Et surtout essayer de faire comprendre à d'autres qu'en fait, bien souvent on achète un objet plus pour posséder que pour utiliser.

En apparence seulement. Il m’a dit avoir sept endroits dans Montréal où il fait son « show » pour montrer au monde qui veut bien s’arrêter l’importance des petites choses de la vie.
Je me demandais parfois si j’avais affaire à un fou. Pas le regard d’un malade.

Il a dû sentir ce que j’avais en tête à ce moment là. Il m’a raconté en riant sa première rencontre avec la police. La toute première fois qu’il s’était risqué à exposer.
Et son bref séjour à l’hôpital psychiatrique. Ça semblait beaucoup l’amuser.

Il m’a montré sa récolte de la nuit précédente.
Un vieil album à colorier qu'il avait trouvé à 4 heures du matin. Quelques feuilles de papier agrafées sur lesquelles un enfant avait collé des photos de membres de sa famille.


En feuilletant ça, il m’a dit : "Ce n’est pas un simple objet qu’ils ont jeté...
C’était son passé immédiat".

Cette formule m’a rendu encore plus songeur. Drôle de bonhomme. Je lui ai demandé son nom. Denis. Denis fantomas. Il m’a dit aussi son nom de famille. Je lui ai serré la main. Pas fou le bonhomme. Une vraie poignée de main.

J’étais en train de partir lorsqu’il m’a rappelé.
Il voulait que je fasse une photo de lui avec le jeune journaliste qui avait filmé toute notre conversation.

Et là. Ça ne s’invente pas. Je me demande encore s’il s’est foutu de moi…

Il a sorti de la poche de son short un appareil photo.

Un appareil photo jetable.

Sacré Denis…

[Modération : correction des erreurs typographiques]
08/11/2010 à 12:51

Meuble

Merci fana' pour ce partage. Très beau moment, belles photos, et beau texte.
08/11/2010 à 13:09

altahine

Je ne sais pas trop quoi penser du personnage. Je remarque que sa décoration de Noël en plastique est elle-même faite à partir d'un nez rouge de clown.
Je pense qu'il atteint parfaitement son but: déranger, troubler. Je partage son constat sur la surconsommation d'objets et l'importance des petites choses de la vie mais je reste perplexe (autant que toi fana si j'ai bien compris) sur son mode d'action. Et sa portée réelle. :|
08/11/2010 à 13:17

fanatiquedenumerique

[quote=altahine]Je ne sais pas trop quoi penser du personnage. Je remarque que sa décoration de Noël en plastique est elle-même faite à partir d'un nez rouge de clown.
Je pense qu'il atteint parfaitement son but: déranger, troubler. Je partage son constat sur la surconsommation d'objets et l'importance des petites choses de la vie mais je reste perplexe (autant que toi fanan si j'ai bien compris) sur son mode d'action. Et sa portée réelle. :|[/quote]
Merci pour le commentaire altahine.

La portée réelle de son action? probablement trés limitée.
Mais à voir le nombre de personnes qui l'écoutaient, spécialement des jeunes, je crois quand même qu'il sème une petite graine qui fait pas mal réfléchir.
Son coté paradoxal, avec le coup de l'appareil photo jetable, c'est je crois un grand sens de l'humour.

Dans son regard, je voyais plus de la raison, pas mal de dérision aussi..
mais bon..
08/11/2010 à 13:36

PasTec

Ce reportage est génial ! Mais on se demande quand même... Qui est fou dans l'histoire...
Comme quoi chaque mot ou objet n'ont que le sens de celui que l'on veut bien leur donner...
08/11/2010 à 13:46

Karine

J'aime beaucoup ce reportage. Je trouve que ces gens ont quelque chose d'immense en eux, c'est le fait de faire abstraction du jugement des autres, et mieux encore, ils veulent le provoquer !
Évidemment ça va toucher des personnes qui comprennent ou assez ouvertes pour au moins essayer de comprendre, donc ça limite, mais finalement, c'est pas si grave.

Merci pour le partage de l'histoire de cette personne et les belles photos qui vont avec.
09/11/2010 à 15:08

fanatiquedenumerique

[quote=PasTec]Ce reportage est génial ! Mais on se demande quand même... Qui est fou dans l'histoire...
Comme quoi chaque mot ou objet n'ont que le sens de celui que l'on veut bien leur donner...[/quote]

Tout à fait exact.
Qui est fou dans l'histoire?
Moi je suis bien certain que mon Denis est très sensé. Seulement pris conscience de ce que notre monde est devenu.
La valorisation de soi par la possession.
Quand on sait que des marques comme Leica ou Hasselblad vendent des appareils faits uniquement pour être non pas utilisés, mais possédés,on comprend que mon bonhomme a vu juste.
Pour info
le Leica Titan vaut 22ooo euros et l'hasselblad "rosso fuocco" (ferrari) lui vaut 29900euros..

Le revenu annuel brut du malawi est de 500euros par personne..
09/11/2010 à 15:39

Taal

Voilà une bien étonnante rencontre :)
Un petit reportage sympa ;)