Maxou
Alors tout d'abord, mékeskifè ? Je travaille sur des huiles essentielles issues de plantes endémiques (natives et présentes uniquement en Australie) utilisées traditionnellement par les aborigènes comme plantes médicinales.
D'accord, mais akoissacer ? Les huiles essentielles sont un concentré de molécules volatiles issues des plantes et possèdent des propriétés et des vertus hors du commun. Ici, je me concentre sur les activités anti microbiennes (contre tous ces p'tits trucs qui nous font du mal), anti oxydantes (très à la mode !) et anti-inflammatoires. Les huiles essentielles sont aussi utilisées pour de NOMBREUSES autres propriétés, mais je ne suis pas ici pour en faire la pub. (Mais on peut toujours en parler !)
Bon, c'est bien de parler, mais les photos ?
Première étape, on collecte le matériel végétal, on récupère les feuilles et on les découpe.
Ensuite, dans un ballon avec de l'eau, et on est pret pour la distillation !
Au bout d'une heure et demie environ : l'eau est a temperature d'ebullition, s'evapore et entraine avec elle les molecules aromatiques. Ces molecules sont insolubles dans l'eau, d'ou le terme d'huile.
Et les premieres goutes apparaissent ! Sur la premiere image, l'huile a une couleur legerement verdatre.
Sur celle-ci, une tres belle couleur or et sur la suivante, juste jaunatre. Cette couleur depend surtout de la composition de l'huile, et donc de la plante utilisee.
Et voila le rendement moyen pour les huiles que je distille : environ 1a 2 g d'huile, soit environ 0.2-0.3%. La distillation complete de 600 a 800 g de feuilles fraiches prend entre 2h30 et 4h. Pas tres rentable me direz-vous. Certaines plantes (eucalyptus par exemple) peuvent donner des rendemants beaucoup plus importants, mais il m'est arrive de ne tirer que 0, 04g d'huile d'une distillation…
Alors tres bien, on a une huile essentielle, c'est joli et ca sent tres fort. Et maintenant ? Et bien c'est maintenant que ca devient interressant. On va tester les proprietes de ces huiles et les comparer avec plusieurs methodes de chimie analytique, de microbiologie et de chimie reactionnelle (tout ca ? !).
Je vais commencer par l'activite anti-oxydante. Cette activite est tres importante car extremement benefique pour notre organisme. Le but est de pieger et de neutraliser ce qu'on appelle des radicaux libres qui, pour etre clair, foutent le bordel dans nos cellules. Ils sont ainsi responsable en partie du vieillissement. Pour les curieux, un p'tit coup de Google avec "ROS" (Reactive oxygen species) ou "derives reactifs de l'oxygene" vous en apprendra beaucoup.
L'idee ici est de mesurer le pouvoir antioxydant en creant des radicaux libres colores, qui perdront leur couleur une fois neutralises. C'est donc simple : on fait une solution rose, on ajoute la substance a tester, on remue et on regarde au bout de 10 minutes : moins c'est colore, meilleure est l'activite anti-oxydante (puisque les radicaux colores sont neutralises).
Ici un temoin : une dilution d'acide ascorbique, ou vitamine C. Plus c'est dilue, moins il y a d'activite. Facile, non ? (Donc mangez du poivron, buvez du jus d'orange, avalez des kiwis, tout ca tout ca…)
Deuxieme type de tests : activite anti microbienne. L'idee est donc in fine d'utiliser les huiles essentielles comme desinfectant, conservateur ou traitement… On va donc cultiver des bacteries, puis, dans le memes conditions ideales de croissance les confronter a differentes huiles et a differentes concentrations. La croissance ou l'inhibition de la croissance des bacteries nous permet de conclure quant a l'activite anti microbienne des huiles.
Il nous faut donc des bacteries ! Dans notre cas, nous utilisons 4 especes bacteriennes differentes : Escherisha coli (La fameuse E. coli…), Bacilus subtilis (intoxications alimentaires), Staphylococcus aureus (staphylocoque dore, responsables de nomreuses infections et intoxications alimentaires ) et Staphylococcus epidermis (infections nasales et urinaires ou infections en milieu hospitalier sur des catheters, proteses…). Vous aurez donc devine leur point commun : elles sont toutes potentiellement pathogenes pour l'homme.
Une fois les bacteries en pleine forme, on les preleve pour en faire une solution.
Mais de temps en temps, on travaille un peu a la va-vite…
Enfin, ces solutions sont placees dans des petits puits sur des plaques qui en contiennent 96. Les substances a traiter sont ajoutees en les diluant de la gauche vers la droite ainsi qu'un reactif qui va donner une coloration rouge en presence de bacteries. C'est donc simple : rouge= croissance de bacteries; pas rouge= activite anti microbienne ! (les deux lignes incolores ci-dessous sont des temoins : un antibiotique).
Troisieme type de tests : activite anti-inflammatoire. Pour ce test, je n'aurai surement pas de photo interressante car les cellules ne se voient pas et l'analyse se fait dans une machine. J'essaierai quand meme de vous en montrer un peu ! Cependant le principe est (a mon avis) absolument genial. L'idee de depart, c'est qu'un des mecanismes de la reaction inflammatoire est l'activation des macrophages. Ce sont des globules blancs qui se sont differencies pour litteralement "manger" ce qui n'a rien a faire dans notre corps. Ici, on a developpe des macrophages (de souris) in-vitro genetiquement modifiees pour exprimer un gene supplementaire : ils produisent un vert phosphorescent (venant d'une algue). Lorsque les globules blancs sont confrontes a une infection, ils s'activent et emmettent donc cette "lumiere" verte.
Bravo, tres funky comme principe. Oui, mais pas que ! Maintenant, si on rajoute dans le milieu une substance anti-inflammatoire ou, dans notre cas, une huile essentielle a tester, la simple diminution de la phosphorescence traduit une activite anti-inflammatoire ! Et ca, ca peut etre mesure tres precisemment par une machine : un cytometre de flux. CQFD.
On sort ici un peu du contexte d'un forum photo (puisque je n'en ai pas !), mais je trouve stupefiant a quel point le genie biologique est capable d'utiliser le vivant comme outil. Et DANS CE CAS, de voir a quel point les OGM, ou en tout cas la manipulation genetique, peut etre utile et puissante… Le debat est ouvert !
Apres les tests, vient une phase essentielle et extremement chronophage de la vie de labo : la vaisselle (cette partie est plus une excuse pour inclure une photo de bouteilles vides et vous faire patienter jusqu'aux prochaines…).
Enfin, les huiles, les milieux de culture, les reactifs… peuvent etre stockes, mais l'entree se fait a vos risques et perils.
On passe maintenant a une autre methode pour tester l'activite anti microbienne : la diffusion sur disques. Le principe est encore super simple : on inocule des boites de petri avec des bacteries (les memes que precedemment) puis on place par dessus des petits disques poreux sur lesquels on depose les huiles. L'huile va impregner le disque et ensuite diffuser lentement a travers le milieu nutritif. L'activite inhibitrice est mesuree en regardant la partie autour du disque ou les bacteries n'ont pas survecu. Facile !
Voici ce que ca donne en photos :
Les souches bacteriennes.
Des salmonelles.
Depot de l'huile.
La boite au final.
Stérilisation de l'oese, outil servant à prélever les bactéries.
Et en grand, tout mon p'tit bordel stérile.
Voici donc les quelques résultats que je peux vous montrer. La diffusion sur disque qui se passe de commentaires, l'activité antibactérienne étant assez évidente. Le disque marqué AML est un disque témoin avec un antibiotique : l'amoxicilline.
Un détail sur un des disques avec l'huile essentielle de Geijera parviflora.
Et voici un aperçu de quelques-unes des huiles issues de cette même plante. On voit bien ici la variation du contenu des huiles (le chémotype) à travers le pays. On a du mal à croire qu'il s'agisse bel et bien d'une seule et même espèce !
Et pour finir avec ce (long) reportage sur mon labo, voilà en mode énervé, lorsequ'on fait tourner 3 distilations en même temps !
Tres bonne journee a tous et merci à ceux qui ont pris le temps de venir lire tout ça et de commenter !