Meuble
Et sinon, si d’autres veulent aussi partager leurs expériences de concert, profitez donc de ce fil !
Je suis donc allé me frotter aux salles obscures, pour un concert d’Eiffel (pour les curieux, j’ai fait un autre fil pour présenter mes photos). J’avais déjà fait des photos de concert pendant des festivals, en été, en plein air, avec une belle scène ouverte et un beau soleil qui éclaire les artistes… Facile !
Là, c’était la première fois dans une salle fermée, sombre, avec des projecteurs dirigés vers la scène. Comme en studio, quoi. Sauf qu’on ne contrôle ni les modèles ni la lumière… Et que c’est donc beaucoup moins évident !
Alors, pour commencer, premier coup de stress, je n’y avais absolument pas pensé, et ça m’a empêché de prendre des photos les 15 premières minutes : la température de la salle. Faut avouer que c’était un peu particulier : je tenais le stand de vente de t-shirts, sweats, CD et autres vinyles, avant et après le concert. Donc dès l’ouverture des portes, et pendant toute la première partie, et jusqu’au début du concert, je n’étais pas dans la salle, mais dans le « hall » du bâtiment. Et mon APN était dans les loges. Résultat, au début du concert, je suis entré dans la salle, il y faisait beaucoup plus chaud que dans le hall, plus humide aussi, donc : grosse condensation sur ma lentille, et bien sûr rien à faire pour l’enlever, tant que l’appareil ne s’est pas acclimaté, elle revient immédiatement. Et le temps qu’il se mette à température, j’ai raté les trois premiers morceaux il me semble, un bon gros ¼ d’heure, quoi. Très frustrant.
Première conclusion : arriver suffisamment à l’avance pour éviter ce genre de mauvaise surprise, que l’APN ait le temps de chauffer.
Point suivant : la disposition de la salle. Petite salle intimiste de 500 personnes environ, pas de séparation entre la fosse et la scène, comme il y a parfois dans les grandes salles ou les festivals, donc pas moyen pour le photographe d’être tranquille au plus proche de la scène. Et comme je suis rentré tard dans la salle (après fermeture du stand de goodies), c’est une foule monstre (haha, je vous laisse googler), bien compacte, qui m’attendait. Alors j’ai essayé, sur la droite, j’ai pu m’approcher un peu, mais pas de bon angle de vue, j’ai abandonné tout de suite. Sur la gauche, en contournant tout le public par le fond, mais pareil, pas terrible. Finalement j’ai fait un peu l’égoïste, j’ai joué des coudes et j’ai réussi à me faufiler vers le devant de la scène. Pour le coup, tenir son appareil à hauteur d’yeux des spectateurs, et avoir un pass autour du cou, je pense que ça aide : d’autres ont essayé de s’incruster devant mais n’ont pas réussi, apparemment… Mais c’était tellement compact que finalement, je suis resté sur place pendant toute la durée du concert. Donc des photos toujours sous le même angle, à moins bien sûr que les musiciens ne se déplacent, mais globalement chacun reste à sa place, devant son micro, son clavier, sa batterie, ses pédales. Conséquence : bien souvent le même profil, et, sur la série entière, pas mal de photos qui se ressemblent. Et ça ne permet pas de s’affranchir d’éléments parasites, par exemple le micro. Bizarrement, le micro est souvent devant le visage. Étant en contrebas des artistes, il n’est pas forcément uniquement devant la bouche, mais peut très bien masquer une bonne moitié du visage. Or, si on ne peut pas se déplacer pour changer la perspective, ça donne des photos qui ne valent pas grand-chose…
D’où, question : comment fait-on, en tant que photographe, pour varier les angles de vue ? Parce que je ne suis pas là pour gêner, ni les artistes, ni le public. Ce qui veut dire pas de flash, pas d’objectif en permanence collé sous le nez, pas de déclenchements intempestifs… sur une chanson en particulier, toute douce et toute prenante, seulement guitare et voix, le chanteur a une expression géniale, très expressif, il faut absolument prendre la photo… mais dans ce presque silence, j’avais l’impression qu’on entendait mieux le bruit de mon miroir que la musique. Et ce genre de choses, ça me met mal à l’aise vis-à-vis de tous ceux qui sont là pour la musique (comme moi ça m’énerve au plus haut point d’entendre des gens discuter pendant les morceaux alors que je voudrais m’immerger à fond dans la musique).
Donc, pour ne pas déranger tout le monde en me baladant devant la scène à faire des allers-retours, je suis resté sur place, et j’ai sûrement embêté les gens autour de moi pendant plus longtemps, mais ils étaient moins nombreux. Et dans ce genre de salle, je ne vois pas tellement comment éviter ça. À moins de se reculer et de zoomer, mais je n’avais qu’un 24-70. Si quelqu’un a déjà vécu ça aussi, s’est déjà posé ces questions sur l’attitude à avoir pendant un concert, a des pistes de réflexions, ça m’intéresse ! Ce n’est pas parce qu’on est photographe, qu’on a un pass, et donc qu’on a le droit de prendre des photos, qu’on a aussi le droit de faire ce qu’on veut…
Enfin, j’avais trouvé ma place dans le public, plus de buée sur ma lentille, j’étais prêt à shooter ! Parlons donc réglages. Les contraintes principales étant :
- pas de flash
- salle plutôt sombre
- lumière changeante
- mouvement des artistes
- mouvement du public
Je pourrais rajouter « positionnement », parce qu’en fonction de la situation, différentes focales peuvent être intéressantes, mais c’est plutôt une question de matériel que de réglages.
Alors, qu’est-ce qu’on fait de beau avec ces contraintes ? Déjà, on se met en mode Manuel. Enfin, c’est ce que j’ai fait, en tout cas ! J’ai testé en Priorité Ouverture, mais on est totalement dépendant de l’éclairage, qu’on ne contrôle pas, et surtout, qui change souvent ! Alors même en mesure spot (parce que forts contrastes entre les musiciens sous les feux de la rampe, et le fond plus sombre), si le boîtier adapte sa vitesse tout seul, on risque de se retrouver avec une vitesse trop faible, et donc du flou de bougé. D’où le mode manuel, pour contrôler tous les paramètres.
Ensuite, il nous faut de la lumière pour prendre une photo. Pour avoir de la lumière, trois paramètres à régler : ouverture, sensibilité, vitesse.
- Ouverture : clairement, maximale. Ça maximise la lumière entrante, et la profondeur de champ reste correcte. Sachant que j’avais un 24-70 f/2.8 ; à tester avec une focale plus longue genre 70-200, la zone de netteté doit être plus réduite à 200 mm… Bref, je suis resté tout le temps à 2.8.
- Sensibilité : à 800, pour certaines ambiances intimistes, c’était trop juste. Je suis resté à 1600 ISO pendant tout le concert. Mon APN gère bien le bruit, donc ça va. Avec mon 350D, pas sûr que le résultat aurait été le même. Je suppose que c’est une question de compromis entre ISO élevés et qualité de la photo, en fonction de l’APN.
- Vitesse : a priori on ne veut pas de photo floue, donc pas trop faible. Les gens, sur scène, ils ont tendance à bouger. Alors à moins de vouloir un flou de vitesse volontaire, pour montrer le mouvement, il ne faut pas trop descendre. Je devais être entre 1/100 et 1/200 en moyenne, il me semble. Ou plus quand la lumière était plus forte, mais dans ce cas-là, ce n’est pas un facteur limitant. Et moins aussi, j’ai parfois pu descendre à 1/50 je pense.
Conclusion, sensibilité élevée et ouverture maximale, pour moi ces deux paramètres étaient fixés, et je jouais donc sur la vitesse pour obtenir l’exposition voulue.
Et fallait jouer sur la vitesse assez souvent… Je suis très content de mon 5D, mais en comparaison des photos « posées », de paysages, d’objet, de portrait, où on a le temps de faire ses réglages, éventuellement tester et compenser un paramètre mal choisi, là il faut réagir vite ; et j’ai bien vu la différence d’ergonomie avec le 350D que j’avais avant : rien que double molette et joystick, pour régler vitesse, ouverture, et collimateurs facilement, c’était très confortable ! Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas faisable sans ces boutons. Le plus important, à mon sens, c’est surtout de connaître son boîtier sur le bout des doigts : on doit pouvoir modifier ses réglages rapidement, instinctivement, en gardant l’œil dans le viseur, pour ne pas être pris de court par un changement de lumière, de pose, etc. Et je pense que s’il y a un point important à retenir dans tout ce que je raconte, c’est bien ça : connaître son appareil, son fonctionnement, ses limites. C’est vrai pour n’importe quel type de photo, mais je pense que ça l’est d’autant plus pour ce genre de contexte où il faut réagir vite : concert, sport, animaux sauvages par exemple.
D’ailleurs, en parlant de réagir vite, petit détail qui peut avoir son importance : une fois dans la salle et les artistes sur scène, normalement on ne sort plus de la salle. Alors, bien penser à prendre tout ce dont on a besoin, y compris cartes mémoires et batteries de rechange ! Surtout si on n’a le droit de prendre des photos que pendant quelques morceaux au début du concert. Il faut donc, non seulement avoir ses accessoires indispensables avec soi, mais aussi les placer de façon à y accéder facilement. Et changer de carte mémoire dans une semi-obscurité, transpirant à moitié, et au milieu d’une foule compacte en mouvement, ça peut être un tantinet ardu…
Bon, tout ça, c’est bien joli, mais au final, qu’est-ce qu’on prend en photo ? Hé bien mine de rien, l’espace de jeu est réduit, mais il y a plein de choses à voir ! Sur ce concert-là, je me suis concentré sur les membres du groupe, à faire des portraits, capter des expressions, jouer avec la lumière pour faire des contre-jours par exemple. Ça peut faire de belles photos, mais ça reste classique. Alors qu’il y a aussi la possibilité de faire des plans larges avec une vue de toute la scène ; avec ou sans le public, s’il y a une super ambiance avec un public agité par exemple, ou photogénique, je pense par exemple à des concerts de métal où le style vestimentaire est sympa à photographier ; ou encore des détails, Nija en a fait une série d’ailleurs récemment que j’aime beaucoup, ça peut rendre très bien ! On peut aussi varier les angles de vue, ne pas cadrer droit peut renforcer le dynamisme, accentuer une contre-plongée peut donner une impression de puissance ; parfois on voit même des photographes sur scène, ça permet de prendre des photos un peu différentes, mais accéder à la scène, ça ne doit pas être facile d’avoir l’autorisation…
Après, je ne pense pas qu’il y ait une composition parfaite, une photo meilleure qu’une autre, c’est une question de préférences, de choix. Mais je me dis que quelqu’un qui veut faire son métier des photos de concert doit réussir à se démarquer, et que cela passe, entre autres, par l’originalité des clichés. Et même en tant qu’amateur, qui prend des photos pour le plaisir, avoir une série diversifiée, c’est quand même plus sympa.
Ce qui m’amène au thème final de cette petite chronique : la série de photos. Parce qu’il ne suffit pas d’aller au concert et appuyer sur le déclencheur, ensuite il faut faire quelque chose de ces photos. Là encore ce n’est pas inhérent à la photo de concert, c’est aussi valable pour des séances en studio, mais je trouve que ça fait aussi partie du travail du photographe que de présenter une série cohérente, diversifiée, et représentative de l’événement ou de la séance. Il y a donc un énorme travail de tri et de sélection. J’ai pris un peu plus de 550 photos ce soir-là, en 1h45 de concert environ. Autant dire qu’il y a du déchet, des photos ratées tout simplement, mais aussi des photos techniquement correctes, mais qui ne marchent pas au niveau composition, cadrage, pose ; ou même des photos réussies, mais qu’on a déjà en double en triple, parce que « le chanteur debout les yeux fermés devant son micro et en train de jouer la guitare », c’est une pose qui revient souvent. Et quand on regarde la série de manière globale, c’est un brin redondant. Faut-il alors supprimer ou non les doublons ? À voir… Et vous savez aussi bien que moi je pense que ce travail de sélection est loin d’être évident !
J’ai donc gardé, au final, un peu plus de 80 images. Autant dire que le ratio est faible. Et j’ai réduit encore pour Pixpo, je n’en ai mis que 13 ici. Ça permet de donner un petit aperçu. Et quand je pense que pour un compte-rendu d’un concert dans un journal, il faut sélectionner une photo pour faire la une, ça ne doit pas être évident… Mais ce n’est sûrement pas le photographe qui la choisit, celle-là !
Bref, sélection, donc. Et aussi développement, post-traitement. Partie chronophage, mais aussi très intéressante : je parlais tout à l’heure de diversifier les clichés, le traitement qu’on réserve à chaque photo permet aussi cela. C’est grâce à ça qu’on va pouvoir créer une ambiance, retranscrire une émotion, faire passer de l’énergie. Et je trouve que les photos de concert s’y prêtent beaucoup : la musique fait passer des émotions, et la lumière permet de jouer avec les tons, les couleurs. En sortie de capteur, on a déjà différentes ambiances, lumières dures ou plus douces, lumières colorées ou non, qui donnent des surfaces homogènes ou au contraire des contrastes très forts. Alors en post-traitement, il y a de quoi jouer, accentuer les contrastes, faire du noir et blanc, des modifications de teintes, jouer sur la saturation, les virages partiels… Je crois que c’est la première série que je fais où j’ai autant travaillé les ambiances avec LightRoom, et ça valait le coup !
Bref, pour moi, une très bonne expérience ! À recommencer à l’occasion, même si prendre des photos ne permet pas d’être à fond dans le concert, l’ambiance, la musique. C’est une autre approche, mais on passe aussi un bon moment. Et développer ses photos en écoutant la musique du groupe, on a encore l’impression d’y être !
J’espère que ce petit retour d’expérience servira, si certains veulent aussi partager leurs séances de concert, profitez donc de ce fil, vous êtes les bienvenus !
Et n’oubliez pas vos bouchons d’oreilles !