Darth
Ce que je vais vous raconter aujourd’hui n’est en rien pour relancer un vieux débat, mais c’est une histoire qui m’est arrivée et qui démontre de façon assez amusante (ou pas) qu’une prestation professionnelle a un prix et que vouloir économiser peut parfois conduire à une situation inextricable.
Imaginez le scénario, une entreprise me contacte suite aux chaudes recommandations d’une maison d’horlogerie pour la qualité du travail que je peux fournir.
Leur cahier des charges est assez précis, il porte sur le lancement d’une nouvelle collection, ce qui sous-entend :
- Shooting presse
- Shooting Catalogue
- Shooting pub
- Shooting catalogue interne
- Shooting technique
- …etc
Bref, un gros gros boulot (comme je les aime ^^’) avec des dead line précises, un travail très bien fait en amont (qui facilite la vie du photographe), ils savent ce qu’ils veulent, quand ils le veulent, et de fait, de notre côté on sait ce qu’on doit faire.
Cette maison d’horlogerie n’est pas la plus réputée du monde, et pour une telle entreprise, ils n’ont pas un budget astronomique je dois le reconnaître. La négociation sur le prix est donc serrée, mais on finit par trouver un terrain d’entente.
Avant d’aller plus loin, il faut savoir que lorsqu’on travaille sur un tel projet, on ne va pas juste chez le client son appareil sous le bras et hop on fait des photos.
Pour vous faire une idée, pour une prise de vue finale avant retouche, sans compter le matériel nécessaire, nous travaillons minimum à trois personnes (photographe et deux assistants) et c’est parfois plus. Nous avons un retoucheur pro qui ne fait que ça.
Je ne suis donc pas tout seul perdu au milieu de quelques montres, j’ai une équipe avec moi.
Dans le cas présent, comme c’est une « petite » entreprise ils n’avaient pas de studio dans leurs locaux, le travail a donc été fait dans nos studios avec tout le matériel nécessaire pour une très bonne réalisation.
Nous avons d’ailleurs rendu le travail une bonne semaine avant la première échéance sans même atteindre la dead line.
Ce contrat devait se porter sur deux ans, pas de manière écrite, mais disons de façon tacite, après la première prestation il était entendu que nous serions à nouveau de l’aventure en 2013. D’autant plus que tout le monde fut très satisfait du travail effectué.
2013 arrive, et pas de nouvelle. Je fais alors jouer quelques relations pour savoir ce qui se passe, et j’apprends stupéfait qu’un des membres du staff très bien placé dans l’entreprise a montré les photos réalisées l’année passée à un ami « photographe », qui en plus venait juste de devenir pro… Ce monsieur bien placé a même eu la bonne idée de donner les tarifs négociés à son ami (ce qui contractuellement était parfaitement interdit …)
L’ami de ce monsieur a fait une critique sévère de mes photos, ça encore, je m’en fous, mais le pire, c’est qu’il a dit que lui aurait pu faire la même prestation pour moins cher. En fait, il lui a simplement annoncé un prix 25 fois moins cher que celui que l’on avait négocié !
Donc, le gars prétend que pour un peu plus de 3’000€ il peut fournir environ 50 photos finales en grand format, retouchées et prêtes à la publication sur différents supports, du magazine jusqu’aux affiches en passant par les écrans d’ordinateur…
Je parle pas de photos faites rapidement dans son salon sur une table avec deux flash cobra déporté, mais de photos packshot de haute horlogerie où pour une seule photo finale on peut en faire jusqu’à 200 et où les sets à 5 flashs studio sont communs ! Pour que la photo soit parfaite le retoucheur va puiser dans les différentes images et « monter » comme un sandwich une image parfaite.
Intérieurement quand j’apprends la nouvelle je souris. Le gars est seul, il commence son activité et ne sait pas où il met les pieds. Il se dit juste : « cool, je vais gagner 3 000 € pour shooter 4 montres différentes sous différents angles et pour rendre une 50aine de photos, trop facile ! »
La dead line pour ce projet était le vendredi 11 octobre pour la préparation du SHHG (Salon de la Haute Horlogerie de Genève) qui a lieu en janvier et qui est juste le salon le plus important du monde pour ce type d'évènement.
Le 15 novembre dernier, j’ai un appel suppliant du directeur de la communication qui m’explique que leur nouveau photographe n’a pas rendu la moitié des photos demandées, et que celles déjà présentées ne respectent en rien le cahier des charges … Pire encore, celui-ci se justifie en disant qu’il a donné une vision artistique des choses, et que ces photos sont très bien. Vexé (ou incapable) il refuse de continuer le travail…
On me supplie donc de reprendre les choses en main, et refaire tout le travail pour … le 22 décembre au plus tard !
Je refuse fermement, en leur expliquant bien gentiment qu’à vouloir économiser et passer par des apprentis sorciers ils se sont tiré une balle dans le pied et qu’il faut en assumer les conséquences …
Ils sont revenus vers nous jeudi en nous proposant cette fois de payer 4 fois le prix que nous demandions à l’époque et en jurant une exclu sur au moins les 5 prochaines années avec 1, 5 fois le prix « normal » de la prestation.
Ils ont fini par payer le prix très fort d’une leçon très simple … « le bon marché est toujours trop cher ! »