Expo Houelbecq d'après ses travaux pour" la carte et le territoire"

19/07/2016 à 17:03

cocagne


Faire une photo, explique Michel Houellebecq dans le long entretien qu’il nous a accordé, c’est faire un pas de côté. Respecter la lenteur. Chercher l’instant propice. Attendre la lumière. Autant ses romans font la part belle à la société, autant le travail photographique de l’auteur de Soumission (1), exposé cet été au Palais de Tokyo à Paris (2), est de l’ordre du registre poétique. Des univers désolés, des sites touristiques saturés de couleurs, des décors d’apocalypse sèche où, pourtant, la beauté peut toujours témoigner de sa présence. « Même quand on a une vie complètement nulle, on peut toujours faire quelque chose sur le plan esthétique. Je ne parle pas de la beauté du monde, mais de la beauté de l’intention. On peut porter un regard beau sur une réalité objectivement insipide. C’est très important pour moi parce que j’ai eu ça, exactement ; ma vie était nulle et mon œuvre faisait sens. Même si le monde était horrible je pouvais quand même faire un truc bien. »

La place de l’artiste, au sens où la définit Michel Houellebecq, est le contraire exact de celle du complotiste, qui voit l’histoire comme le produit de l’action de puissances occultes, agissant dans l’ombre, masquant la vérité et manipulant les médias. Depuis l’irruption d’Internet, la théorie du complot ne s’est jamais portée aussi bien, se désolent les politiques et les médias. Est-ce vraiment sûr ? « L’idée qu’une puissance mystérieuse calcule et programme le destin collectif trouve une partie de son origine dans la pensée magique ou religieuse de l’Antiquité. La représentation d’un héros aveugle, aliéné par une volonté cachée ou manipulé par une prédestination supérieure, est le fondement de la tragédie antique », nous rappelle Xavier Darcos, en ouverture de ce dossier consacré à l’histoire de la conspiration, de Zeus à Big Brother. Car depuis que l’homme a abandonné son étonnement face au monde, imprévisible et inexpliqué, pour essayer de le disséquer avec la raison, il n’a cessé d’avoir recours à des explications réductrices et paranoïaques. « En rendant caduques les explications issues des traditions et des croyances, on a placé la conscience humaine devant une autre malédiction, celle du changement ou du basculement perpétuels », précise encore l’académicien. « Ce vertige est plus angoissant que la capitulation devant la Providence. Il explique pourquoi se sont alors multipliées des théories du complot, non plus celui des dieux mais celui de forces secrètes coalisées. Une telle vision recrée du sens. Elle offre une représentation globale qui récuse le caractère aléatoire de la destinée humaine. » 

Alors que Laurent Gayard nous initie aux méandres souterrains du Darkweb, « constitué de réseaux privés ou de navigation cryptée auxquels on n’accède que grâce à des outils bien spécifiques » et où « la majeure partie des activités criminelles en ligne sont commises, à l’abri de toute sanction », Jacques de Saint Victor s’interroge : « S’il y a des complotistes, ne serait-ce pas tout simplement parce qu’il y a (parfois) de véritables complots et que de plus en plus d’éléments tangibles viennent alimenter les doutes des âmes sombres ou sceptiques sur la lisibilité de nos sociétés contemporaines ? » Au cœur du complotisme moderne : la haine de l’Amérique et du sionisme, version réactualisée du complot juif mondial. Comme le souligne Pierre-André Taguieff, « l’ayatollah Khomeyni, en 1980, a conféré une légitimité à la thèse conspirationniste selon laquelle les États-Unis étaient dominés par les “Juifs maléfiques” » et que Juifs et Américains étaient, en conséquence, les ennemis absolus de l’islam : « Les Juifs et leurs suppôts étrangers veulent miner les fondations de l’islam et instaurer un gouvernement juif international ; comme ce sont des gens infatigables et rusés, j’ai bien peur, Allah nous en préserve, qu’un jour ils y parviennent. »

La ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, fustige les sites conspirationnistes sur Internet dont les théories pervertissent les jeunes cerveaux. Mais le complotisme est-il un mal ou un symptôme ? Et plutôt que s’acharner à faire taire Internet, ce qui ne manque pas d’alimenter la vision paranoïaque du complotiste, l’école ne doit-elle pas fournir plus que jamais une « véritable culture rhétorique, culture du discours et de la liberté », s’interroge Loïc Nicolas. « Une culture qui transmet, avant tout autre chose, des outils pour s’orienter, grâce aux mots, dans le flou, l’incertitude et l’ambiguïté inhérents au monde des hommes. » Un programme à méditer pour la rentrée de septembre…  D’ici là, excellentes vacances à tous et merci pour votre fidélité et votre attachement à la Revue des Deux Mondes qui ne cesse de croître !

1. Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015. 2. Michel Houellebecq, « Rester vivant », exposition au Palais de tokyo, Paris, jusqu’au 11 septembre 2016. 
19/07/2016 à 18:17

Martin D

L'art de broyer les esprits…
rien de nouveau sous le ciel…
19/07/2016 à 21:04

cocagne

Pourquoi tu as été jeter un œil ?  
19/07/2016 à 21:15

Martin D

cocagne a écrit :

Pourquoi tu as été jeter un œil ?  
 


Oh je parle pas de l'expo, des articles en général de la revue, bien pensante…
19/07/2016 à 21:26

cocagne

Bien pensante c'est vite dit surtout en ces temps de déni ! A moins que tu ne le dises dans l'autre sens de l'expression.
 
19/07/2016 à 22:24

Martin D

cocagne a écrit :

Bien pensante c'est vite dit surtout en ces temps de déni ! A moins que tu ne le dises dans l'autre sens de l'expression.


 


J’appelle la bien pensante le milieu qui prône la pensée unique, c'est à dire celle qui prévaut en ce moment, enfin je devrais dire depuis quelques décennies.
Véhiculé par la quasi totalité des médias officielle, celle qui était derrière Powell avec son flacon prouvant soit disant les armes chimique de Saddam Hussein.
Celle qui chante en cœur l’ingérence militaire dans n'importe quel pays du monde au nom de la lutte contre le terrorisme.
Celle qui véhicule les mensonges sur Mouammar Kadhafi ou encore sur Bachar el-Assad et ensuite y amener la démocratie.
Celle qui dénigre certains sites soit disant complotiste qui ne vont pas à leurs goût de la pensée unique et la bien pensante utilise des arguments de certains sites idiot qui véhicules des théories farfelu, comme par exemple la mise en scène de l'alunissage sur la Lune ou autre joyeusetés et qui mettent mettent les sites plus sérieux dans le même sac.
Je pourrai encore continuer encore longtemps, la nuit ne suffira pas, mais je pense que tu n'a plus de doute sur ce que j’appelle la bien pensante…
20/07/2016 à 14:39

cocagne

Malheureusement la bien pensance ne dit pas ça à la télévision dans Libé ou le monde elle dit que tout va bien et que les Français ont tous les mêmes origines et les mêmes rêves ce dont tu parles concerne la marche du monde et là dessus évidemment il faut parfois se garder d'être trop lucide sous peine de se tirer une balle dans son propre pied. enfin sauf si tu es prés à vivre (quoique ton âge te mettes effectivement à l'abri de ça mais tu as probablement une famille et un passé  qui est leur patrimoine.) dans un pays qui mettra une doxa religieuse avant tout droit comme nous l'entendons en Europe.
La bien pensance je la vois dans cette presse qui a tenté de nous masquer les viols collectifs à Cologne je la vois dans ces journaux qui tentent de nous convaincre que les attentats sont le fait de déséquilibrés, ce qui est exact, mais que de déséquilibrés ce qui est criminellement mensonger.
Tu sais il y a encore trois ans j'aurais abondé dans ton sens et j'ai beaucoup milité avec ce genre de discours mais il n'est plus temps car maintenant ce sont les miens et les valeurs imparfaites qui nous rassemblent qui sont en danger et l'urgence est au front, ton discours hélas nourrit le ressentiment d'une communauté qui se reconnaît plus dans les drames de l'Orient que dans nos propres souffrances le fait qu'il soit conforme à une part de la réalité n'autorise pas à armer l'adversaire pour en faire un ennemi.
20/07/2016 à 18:59

Martin D

Oui bien sûr la bien pensante ne dira jamais tout ça ce serait la révolution.
Mais ne crois pas que je suis un militant, loin de là ! de toute façon j'en ai pas l'âme…
Ca fait une dizaine d'année que ma femme et moi avons comprit ça, oh c'était laborieux et les infos venaient au compte goutte, mais chaque année disait qu'on s'étaient pas trompé, au contraire ont étaient en-dessous de la vérité.

Ont s'est mis à 'l’abri" dans un petit village paumé des Vosges, on s'organise pour parer au mieux et vivre plus proche de la nature…
20/07/2016 à 20:45

cocagne

Je comprend mais penses un instant à ceux qui sont restés dans les mégalopoles pour trimer et te fournir ce que ces belles campagnes n'auront jamais. Ne compromets pas leurs chance de vivre encore un peu dans le sentiment d'autonomie sans lequel notre société  imploserait et, sauf si tu adhères au système survivaliste, je suis sûr que tu es conscient que ton confort, la pérennité de tes revenus ainsi que ta liberté dépendent pour l'essentiel de la manière dont nous allons gérer les pressions des nouveaux concitoyens.
Leurs valeurs ignorent totalement ce luxe inouï qui est le fruit de notre civilisation qui consiste à pouvoir décider de se retirer dans un endroit ignoré de notre territoire.

Acceptes tu que nous revenions a l'aspect photographique du travail de Houelbecq ? Il y a très probablement ici des Lecteurs de son œuvre qui est maintenant fournie sur la durée et les thèmes abordés. D'ailleurs ton hypothèse vosgienne se retrouve en partie dans l'un de ses bouquins " La possibilité d'une île"
Je découvre ses travaux méme si je savais depuis "La carte et le territoire" qu'il était très au fait des procédés de notre art.
20/07/2016 à 22:26

Martin D

Non cocagne je n’adhère pas trop à ces valeurs de survivalistes, c'est comme pour la photo, certains ne jure que par la technique photographique et d'autres par ce qu'elle représente pour ses valeurs d'image d'expression artistique.
Pour ce qui est du travail photographique de Houelbecq que je ne connais pas, mais je pense que c'est plutôt orienté photographie contemporaine, c'est à dire celle qui à besoin de béquilles des mots pour exister…

En plus ce personnage fréquente BHL alors tout est dit…
07/08/2016 à 17:35

cocagne

"Frequente BHL"
Il m'a fallu du temps pour comprendre d'où de venait ce contresens
a l'époque j'étais le nez dans le guidon net n'avait pas vraiment fait attention a cette joute d'intellos si cen'est que je n'avais pas commis ce contresens
Tiens un petit extrait (je suis fainéant…) d'un article du figaro

"Autre trait français de Houellebecq : le sens de la dérision. En 2008, il a ainsi publié un livre avec un collègue qui vomit Péguy et l'identité nationale : Bernard-Henri Lévy. Recueil des courriers électroniques échangés par les deux hommes entre janvier et juillet 2008, Ennemis publics est un bricolage éditorial étrange, un dialogue de sourds. Dès qu'un motif de fâcherie se profile à l'horizon de leur conversation, l'auteur de Rester vivant l'esquive avec un art consommé de la fugue. A propos de la gauche morale, de la fascination des élites nomadisées pour l'Amérique, du populisme ou des couleurs de la France, leur échange aurait pu être saignant. Mais à aucun moment Michel Houellebecq ne se montre contrariant.

Le meilleur de cette conversation inattendue, c'est son appendice, paru dans la revue Artpress en décembre 2008. Encore une fois, «Michel», plus Droopy que jamais, laisse parler «Bernard» pour mieux le confondre. Ainsi lorsque le ténébreux BHL propose de «vaincre Le Monde diplomatique. Vaincre les épigones de Bourdieu. Marginaliser, autant que faire se peut, les souverainistes et autres chevènementistes», oubliant que son interlocuteur a soutenu le «Che» en 2002.

Les satisfaits, les aigris, les méfiants, les jaloux qui veulent se frotter à Michel Houellebecq doivent s'en souvenir : cet écrivain est redoutablement intelligent. "
07/08/2016 à 17:38

cocagne

Sinon dans le domaine de la photo il aime bien la cuisine familiale…



Cet extrait d'entretien est tiré du dernier numéro du Figaro Hors-Série, consacré à Michel Houellebecq. Actuellement disponible en kiosque et sur Figaro Store. Vous pouvez aussi retrouver la version complète de cet interview sur Le Figaro Premium.


Avec le recul, je suis effectivement surpris par le nombre de photos que j'ai pu prendre. Semblable en cela à la plupart des gens, je prends beaucoup plus de photos que je ne les regarde. La première tâche pour cette exposition a donc été de ressortir l'ensemble de mes photos, sachant que ma photothèque actuelle est constituée d'environ quatre mille clichés, argentiques et numériques. En réalité, j'ai pris nettement plus de photos que cela depuis une trentaine d'années, mais je n'ai scanné que les images argentiques de grand format, les 6x9 ; j'ai laissé tomber tous les 24x36.

(…)

Je suis complètement empirique pour tout, et déjà quand je prends des photos ; je n'ai pas le sentiment de tâtonner. Cela va vite de prendre une photo. Mais, lorsque je vois un endroit qui me plaît, je ne m'arrête souvent qu'après coup, en voiture notamment. C'est par fainéantise, mon premier réflexe est de ne pas m'arrêter pour ne pas avoir à me garer. Mais, au bout de quelques kilomètres, je me dis, non, quand même c'était bien, et du coup je reviens en arrière. Mais ma première envie de photographier est toujours assez immédiate. Le cadrage va très vite aussi. Le plus long, c'est d'attendre que la lumière soit favorable. Mais cette étape est plutôt agréable : une fois qu'on a trouvé un endroit qui vous plaît, il suffit d'attendre.

(…)

En quoi votre démarche est-elle différente des adolescents qui prennent tout en photo, à travers les selfies notamment ?

Ce n'est tout simplement pas le même sujet. D'abord, je ne me prends jamais en photo. Jamais. Et puis je photographie très peu de gens, comme cette exposition le révèle amplement. A mes yeux, la photo, c'est l'anti-selfie à tous points de vue. D'autant que, et les smartphones ne le permettent pas, j'ai vraiment besoin d'un viseur, de préférence d'un viseur rectangulaire. J'ai eu un appareil avec un viseur carré, mais finalement je préfère le format rectangulaire. J'aime bien ce choix initial entre horizontal et vertical. C'est important pour moi.
16/08/2016 à 12:35

cocagne

Tiens refuser  le hors cadre !  
Voila une attitude dans laquelle devraient se retrouver de nombreux PP 
  • …"  Une France dépeuplée aussi, sinon habitée par des êtres qui ne valent pas qu’on les prenne en compte.
  •  « La première et la plus importante des opérations, pour moi, consiste à cadrer »,  a confié l’écrivain à Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, avant d’ajouter  : 
  • « Je suis dans la négation complète du hors-champ. »