Juste une pénombre au fond de la douleur

20/08/2011 à 13:34

jp80

Quelques notes de lumière sur fond de scandale mélancolique, que j'ai eu la chance de saisir lors d'un concert d'Hubert-Felix Thiefaine, artiste qui compte pour moi parmi les plus belles plumes de la chanson française.

Autant vous dire que quand on m'a demandé de couvrir ce festival de la Ferme du rock en 2008, et que j'ai appris que HFT devait venir y défendre le fruit de sa toute dernière collaboration, je n'ai pas hésité longtemps… D'autant que ladite collaboration était le résultat d'une rencontre au sommet, entre le père de la fille du coupeur de joint et un bluesman de renom : Paul Personne. Je trépignais d'impatience de voir les notes bleues de celui qui n'était à l'époque pas encore à l'Ouest se mélanger à la verve du poète de Dole, toujours enclin à sortir sa Winchester pour mieux cracher son blues…

C'est vrai que les briscards n'en étaient pas vraiment à leur coup d'essai : Thiefaine avait déjà signé deux textes d'un opus de Personne (Patchwork électrique), La beauté du blues et Exit of eden. Même si les puristes ne se montraient pas dithyrambiques à propos de ce nouvel Amicalement Blues (trop commercial, trop californien), j'avais surtout hâte d'assister à la rencontre des géants, sur scène. Je n'ai pas été déçu, tant les univers un peu détraqués de ces deux artistes convergeaient vers quelque chose de sombre, d'émeutes émotionnelles en douceurs de vengeance, juste avant l'Enfer… Du blues, en somme. « Quelque part, dans mes textes, j’ai toujours été proche du blues… C'est un style où chacun se débarrasse de sa tristesse par une sorte de yoga rythmique répétitif jouant sur 12 mesures. De ce côté-là, j'ai de quoi écrire… », déclarait à ce propos HFT à la sortie du disque.

C'est le blues que j'ai voulu capter ce soir là (après la pop des Hushpuppies et le rock de Nadasurf, l'éclectisme est l'apanage des festivals !). Un blues sombre comme la face noire des complaintes d'un Thiefaine, comme les gammes mineures d'un Personne. Un bon moment de musique.



20/08/2011 à 13:39

Darth

Un texte qui se marie à la perfection avec une photo très bien maitrisé, que demander de plus ?

Bravo l'artiste d'avoir su capturer l'artiste ! ;)
20/08/2011 à 15:00

ShouKou

etant également une amoureuse du blues qui me fait vibrer du matin au soir  , je ne peux qu'adherer entre le texte et ta photo !
sublime ! 8-)
20/08/2011 à 16:18

JeanT

Idem Vincnet37, la partie droite sombre est trop importante pour moi.
HFT n'a pas la notoriété de Johnny. Autant le second serait reconnu sur une photo de cette composition, autant c'est moins vrai pour le premier. La photo doit être accompagnée de sa légende pour créer l'ambiance. Ce n'est pas une critique, une constatation, sans plus. La photo trouverait bien sa place pour illustrer un article sur le concert.  
20/08/2011 à 17:15

jp80

@Darth : Merci ! Et puis venant de toi… (hum, j'ai l'impression que l'on a souvent le même genre de critique en ce moment, et le même genre de réponse aussi !). Arf.

@speedy67 : Ton interprétation de ce travail me touche beaucoup, merci ! Au final, si tu t'es senti impregné à ce point du blues en regardant cette image et en lisant sa légende, j'ai réussi mon pari. Car comme le disait Jimi Hendrix (qui était lui même un sacré bluesman avant d'être l'un des plus grands guitaristes de rock de tous les temps), « Le Blues est facile à jouer mais difficile à ressentir »…

C'est amusant car en rédigeant le texte de ce fil, j'avais commencé à parler de ce doigt pointé vers je ne sais quel enfer, je ne sais quelle addiction, je ne sais quelle paranoïa. Et puis je n'ai jamais su trouver les mots justes, je me suis résigné.

JeanT a écrit :

La photo trouverait bien sa place pour illustrer un article sur le concert.


Yep, en fait c'était l'objet de la commande qui m'avait été passée ;)

Plus sérieusement JeanT et vincnet37, je trouve vos remarques très intéressantes. Ce que vous dites se rejoint, et met le doigt sur quelque-chose d'assez symptomatique quant à l'évolution de ma vision de la photo de concert depuis maintenant 10 ans. Il y a encore quelques années, j'étais si fier de présenter une photo de concert montrant bien distinctement Cali ou M avec un piqué impeccable, script de PT aux petits oignons et surtout en prenant soin de laisser traîner dans le cadre un indice permettant au lecteur de voir que j'avais une accréditation pour me trouver là, que j'en oubliais l'essentiel : l'artiste et son univers (pas moi, celui que je photographiais !). Aujourd'hui, mon « Graal » réside plutôt dans la recherche d'une synergie maximale entre le travail de l'artiste (ce qu'il raconte, en somme, plus que ce à quoi il ressemble) et ma condition d'auditeur plus que de photographe (ce que j'en comprends, comment je l'interprète).

Pour être complètement honnête, selon les conditions et les demandes, je travaille généralement en deux temps (et souvent, pas toujours heureusement, en concert le plaisir est éphémère pour les photographes : 3 petites chansons et puis s'en vont…) : je commence par assurer quelques jolis portraits bien exposés pleine pastille et vues d'ensembles comme les collègues pour que le journal ou le webmaster soit content, puis, dans un deuxième temps, je me consacre à des choses plus personnelles. Dans le cas de ce concert, il s'agissait de choses sombres, en ombres chinoises… Ce que j'ai souhaité montrer au travers de cette image, c'est en fait le blues, plus que HFT (d'où le choix du titre du fil, d'ailleurs, tiré du morceau Scandale mélancolique). Mais je conçois complètement que l'utilisation finale d'une telle photographie se marie mal à certains contextes ou certaines interprétations, et aller trop loin dans le « conceptuel » peut mener à la caricature de soi-même… Au final, l'élément qui vous donne raison est que le journal qui a publié mes photos à l'époque n'a pas retenu celle-ci :|. J'en ai tiré quelques apprentissages !

« Être un bluesman, c'est être deux fois noir. » (BB King)
20/08/2011 à 17:53

JeanT

Au delà de la photo, ton commentaire est intéressant sur l'évolution du ressort qui te fait photographier. Tu en es arrivé, en quelque sorte, à te mettre au service des artistes afin de retranscrire leur univers. Dans le monde de la photo, remplis d' "artistes plasticiens" à l'ego surdimentionné c'est une démarche rare. (Bon, tous ne sont pas ainsi, bien entendu. J'ai souvenir d'HCB à Arles quis discutait agréablement avec n'importe qui sans pontifier le moins du monde)