27/03/2015 à 08:14
ptiloulou
Lorsque je suis passé devant l'abri bus, comme tous les matins depuis quelques jours, une sensation étrange m'a enveloppée. J'ai été gêné par sa nudité. Encore que nudité est un mot un peu fort dans ce cas précis. Je devrais plutôt nuancer en disant nudité partielle. Voila, c'est ça. Sa nudité partielle, au milieu d'une rue piétonne, m'a semblé totalement inapproprié au décors. A moins que ce ne soit son regard. Il semblait plein de vie, suivant mon pas pressé avec la même attention que Mona Lisa suit le touriste japonais dans la grande salle du Louvre. Des yeux bleus dans lesquels on oublierai volontiers toute la misère du monde si on ne se focalisait que sur eux. Mais il n'y a pas que ça. Les courbes de son corps peut être. Elles ne semblent pas naturelles. Presque exagérées. Je n'arrive pas à savoir d'où vient ce malaise. Et si c'était tout simplement parce qu'il est par terre, me tendant la main, et que je passe sans lui prêter attention. Oui c'est ça. Cet homme est là, adossé à un abri bus. Il n'a plus rien. Son histoire l'a déshabillé totalement de sa citoyenneté. Il est socialement nu comme un ver. Sans carapace. Seules quelques guenilles lui procurent une chaleur illusoire. Ces yeux bleus me suivent. Ils contrastent terriblement avec son visage usé par la rue, le froid et la faim. Son corps est avachit, sans forme. Il s'est échoué là, entre un fast food diététique et une pin up en maillot de bain. Posé contre un abri bus. Sous le regard indifférant de tout le monde. Ce qui n'est pas le cas de la pin up.