Démantèlement des services publics : sale temps sur les écoles de la Somme…

22/01/2012 à 17:14

jp80



L'école publique française est menacée, et c'est peu de le dire. À différents niveaux. On a souvent parlé des enseignants malades remplacés par des personnels vacataires non formés à la pédagogie,  de la suppression d'effectifs d'aide à l'éducation (ATSEM, maîtres G, maîtres E…) dans les écoles, ou encore le non remplacement de personnels enseignants partant en retraite.

Je vais aujourd'hui vous parler d'un cas concret au niveau local, à quelques pas de chez moi, dans un secteur rural. Un regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de sept petites communes (Estrées-Déniécourt, Belloy-en-Santerre, Ablaincourt-Pressoir, Soyécourt, Assevillers, Fay et Berny-en-Santerre) est menacé de fermeture. Ce RPI offre aujourd'hui une formation, à proximité de leur domicile, à quelques 104 élèves, de la petite section au CM2.

Ces établissements sont de petites écoles de villages, composées d'une unique classe à un ou deux niveaux. Le fait que les bâtiments soient vieillissants (bien que pour certains rénovés très récemment) pourrait justifier le regroupement de ces écoles dans un nouveau centre scolaire, un RPC comme on dit (regroupement pédagogique concentré). Il s'agissait d'ailleurs d'un projet affiché par les élus locaux : construire ce regroupement dans un des villages concernés, à Estrés-Déniécourt, où le maire du village était favorable à ce projet selon des représentants des parents d'élèves…

Aux dernières nouvelles, les projets ont bien changé : on fermerait toutes ces écoles, on ne construirait pas de regroupement local, et on enverrait les élèves dans les écoles des communes voisines. Des élèves et des parents qui font de la route, des villages qui se meurent, des enseignants mutés… la belle affaire !

Les parents d'élèves ont décidé de se battre pour sauver leurs écoles. C'est ainsi qu'une réunion de la communauté de communes de Haute-Picardie, organisée à Chaulnes jeudi dans le but de faire voter la nouvelle carte scolaire pour la rentrée 2013, a été accompagnée d'une manifestation de parents, qui ont bloqué le centre-ville de Chaulnes et ont dû être délogés par les gendarmes. Finalement, la nouvelle carte scolaire n'a pas été votée, l'étude de son « opportunité financière » va être poursuivie…

Chez nous, il n'y a plus de médecins de proximité, on va aux urgences en cas de problème ou quand un petit enfant est malade. Les bureaux de poste ferment. Les perceptions ferment. Les centres de sécurité sociale ferment. C'est maintenant au tour des écoles : on n'arrête pas le progrès !
22/01/2012 à 17:55

altahine

jp80 a écrit :


Aux dernières nouvelles, les projets ont bien changé : on fermerait toutes ces écoles, on ne construirait pas de regroupement local, et on enverrait les élèves dans les écoles des communes voisines. Des élèves et des parents qui font de la route, des villages qui se meurent, des enseignants mutés… la belle affaire !


Ou encore des bouts de choux de trois ou quatre ans qui emprunteront seuls le car de ramassage scolaire intercommunal si leurs parents ne peuvent les accompagner (vu ailleurs)… des familles qui se verront à peine dans la journée en semaine… des enseignants dont les conditions de travail précarisent l'équilibre professionnel et personnel (qui en pâtit le plus, en plus d'eux et de leur entourage… ?)…
jp80 a écrit :


Chez nous, il n'y a plus de médecins de proximité, on va aux urgences en cas de problème ou quand un petit enfant est malade. Les bureaux de poste ferment. Les perceptions ferment. Les centres de sécurité sociale ferment. C'est maintenant au tour des écoles : on n'arrête pas le progrès !


Comme tu dis !  ;( C'est vraiment chouette d'être un "néo-rural" à l'heure actuelle ! Vive l'organisation du territoire…

Si le contexte n'était pas si noir, je te dirais bien que j'aime ta photo et qu'elle est emblématique des écoles de la Somme, mais des écoles comme ça on n'en verra bientôt plus beaucoup si ça continue…
22/01/2012 à 18:51

Henriette

jp80 a écrit :

… l'étude de son « opportunité financière » va être poursuivie…


Et les enfants dans tout ça ?
22/01/2012 à 21:50

doudoudidg

Mon épouse étant Professeur des écoles, c'est un problème que je connais malheureusment bien !

C'est triste, il ne faut pas lacher et résister ! Des sujets comme celui ci doivent suciter un engagement de l'opinion publique pour dire une bonne fois pour toute NON ! Il y a des tonnes de sujets qui devraient suciter l'indignation puis l'engagement. Si vous en doutez je vous conseille de lire les deux ouvrages de Stephane Hessel, illustre résistant : Inidgnez vous; Engagez vous !

En France, et ce contrairement au pays du moyenne orient, nosu avons le choix et il nous reste une alternative avant la révolte alors je vous donne RDV le 6 Mai prochain.

Bon courage JP, avec des images comme celles ci je suis sur que tu vas pouvoir sensibiliser beaucoup de gens sur votre problèmatique.

23/01/2012 à 08:56

Darth

Difficile que cette chose, surtout quand on sait qu'on ne peut pas faire grand chose pour enrayer le problème.

:(
23/01/2012 à 14:22

Photestation

Photo qui illustre bien l'article. C'est un véritable problème effectivement. Merci aux personnes comme toi qui se battent pour rappeler ce sujet…
26/01/2012 à 18:45

jp80

Merci à tous pour votre passage et pour vos commentaires intéressants. Il est vrai que la situation est plutôt préoccupante, mais aussi qu'elle nous échappe. Une fois les quelques manifestants téméraires vidés par les gendarmes, il ne restera sûrement pas grand chose des revendications des parents et citoyens de ces villages.

Et les nouvelles ne s'améliorent pas. À en croire un compte-rendu des dernières réunions, rien que dans la Somme, 75 postes d’enseignants vont être retirés dans le premier degré pour 618 élèves prévus en moins (soit 3 fois plus que nécessaire pour garder les mêmes moyennes d’élèves par classe).

Il serait également prévu que « l’autorité hiérarchique peut également désigner un autre fonctionnaire pour mener les entretiens d’évaluation au sein des écoles ou établissements ». Ce qui veut dire qu'un instit de CP pourrait être évalué par un directeur de communauté de communes. Cohérent, non ?
26/01/2012 à 21:55

altahine

Très cohérent dans la logique de sape de la fonction publique, et notamment dans l'enseignement. Pourtant je n'aime pas spécialement tenir ce genre de discours que je trouve un peu formaté par les syndicats, mais qu'on regarde partout de la maternelle à l'université la façon dont les postes sont gérés, dans leur ensemble, ça me dégoûte.

Je me permets de donner un autre exemple parce que justement j'y ai pensé cette semaine suite à une réunion où on est venu nous porter la bonne parole sur l'orientation des élèves au lycée : depuis plusieurs années, on supprime largement aussi des postes de Conseiller d'Orientation Psychologue (COPsy), et maintenant, à qui demande-t-on de gérer les entretiens individuels d'orientation en Première ? Aux profs principaux, sous prétexte qu'ils sont les plus proches du terrain et de la réalité. Cet argument a bon dos, car une fois de plus, cette nouvelle mission (qui s'ajoute à un floppée d'autres, dont le nombre n'a fait que croître depuis 12 ans que j'enseigne) est à effectuer à moyens horaires constants : on n'a pas plus de plages horaires allouées à cette tâche (je ne parle même pas d'indemnisation, ni de formation jamais reçue à cet effet ; le mieux, c'est qu'on nous "rassure" en nous disant qu'il n'est pas nécessaire de tout connaître et d'être spécialiste, il "suffit" de savoir écouter et  "orienter" l'élève vers la bonne personne ressource, vers de la documentation, etc… Mais bien sûr ! )
27/01/2012 à 10:49

Henriette

Un autre exemple local :
Le directeur de notre école s’est plaint plusieurs fois, depuis la dernière rentrée scolaire, auprès de l’inspecteur d’académie de ne plus disposer de l’aide d’un psychologue scolaire, ni, comme auparavant, de la présence d’un maître E  pour la prise en charge de plusieurs élèves en difficultés.
Celui-ci vient de lui répondre que «  les enseignants sont les premiers concernés dans le traitement de ces difficultés, qu’il leur appartient  maintenant, à travers la mise en œuvre de projets personnalisés de réussite éducative, d’articuler les différents dispositifs d’aide mobilisables. Le plan pour l’école primaire 2008 leur ayant donné de nouveaux leviers, les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée en petit groupe en constituant la mesure emblématique. »
Voilà, les enseignants vont devoir remplacer les psychologues, les maîtres E (responsables de l’aide spécialisée à dominante pédagogique), d’ici peu devront-ils aussi, si un prochain plan le prévoit, entretenir les espaces verts et nettoyer les vitres de l’école ?
09/02/2012 à 19:40

coucouhibou

En tout cas c'est une superbe photo :)
30/06/2013 à 17:32

cocagne

Je déterre ce fil car il est loin de ne plus être d'actualité. au contraire il décrit un des symptômes de la profonde mutation qui attend le monde occidental.Il me souvient que j'ai entamé la lecture d 'un petit opus qui se prénomme "La crise qui vient"
Il se trouve encore sur ma table de chevet
Il se propose de décrire les conséquences territoriales à venir chez nous de cette crise qui n'en est plus une mais devient une mutation profonde de notre civilisation .

L'auteur est entre autre professeur au CNAM

Voici un extrait de la quatrième de couverture.

Pour comprendre la crise qui frappe la France depuis 2008, on ne peut pas se contenter des agrégats économiques globaux. Il faut, au contraire, mener une analyse fine, à l’échelle des territoires, des bassins d’emploi, des villes. Par le passé, la France a réussi à maintenir une certaine égalité entre régions « riches » et « pauvres », grâce à de coûteux transferts financiers. Mais, avec la crise des finances publiques et sociales, cette époque s’achève. Peut-on soutenir les régions en difficulté sans freiner le développement des grandes métropoles ? Devra-t-on bientôt choisir entre l’égalité territoriale et l’efficacité économique ?
Ce livre propose un triple point de vue sur les difficultés que la France rencontre aujourd’hui : infranational, en ce qu’il révèle le morcellement territorial à l’œuvre ; politique, parce que la déstabilisation de certains territoires provoque la montée des populismes ; prospectif, car le sevrage de la dépense publique et l’énergie chère laissent prévoir un ébranlement des territoires suburbains. Au milieu de ces bouleversements, nous voyons se dessiner une nouvelle carte : la France en crise des années 2010-2020.


C'est un ouvrage à lire avec à coté de soit le résultat imprimé du dernier tour de France à la chambre de Raymond Depardon
Dans toutes les bonnes librairies pour 12 € ou la Fnac