12/09/2015 à 17:17
cocagne
Ce mot vilain de migrant employé à toutes les sauces pour masquer un mutation fondamentale et à haut risque de nos sociétés ne pourra jamais cacher la réalité de ces hommes de toujours car avant d''être des immigrés il sont d'abord des émigrés.
Le Nouveau Colosse
Non comme le fameux colosse de métal
Au pas grec conquérant qui enjambait les eaux ;
À nos portes du couchant que lavent les flots
Cette femme fera front avec un fanal,
Dont la lumière est l’éclair enclos, on l’appelle
Mère des Exilés. Dans sa main brûle un feu
Qui salue l’univers ; elle guide des yeux
Le port au pont léger de nos villes jumelles.
« Garde, Vieux Monde, ta pompe passée ! », crie-t-elle
Sans voix. « Donne-moi tes pauvres, ceux qui chancellent,
Tes masses entassées aspirant à l’air libre,
Le rebut malheureux de ta rive à ras bord.
Envoie ces sans-abri que la tempête livre, Je lève ma lampe près de la porte d’or ! »
Emma Lazarus (1849-1887)
Traduction inédite de Louis Chevaillier
Il est des poèmes qui contribuent à changer le monde. En 1903, Le Nouveau Colosse est gravé dans le bronze sous la statue de la Liberté. Et la célèbre New-Yorkaise, emblème de l’émancipation des peuples, devient le symbole de l’hospitalité américaine. Terminées, les caricatures où elle se bouche le nez pour échapper à l’odeur des migrants. Vive le melting pot ! Le sonnet date de 1883. C’est la contribution promotionnelle d’Emma Lazarus à une levée de fonds pour le piédestal de la statue. Traductrice de Heine, admiratrice du transcendantaliste Emerson, la poétesse et dramaturge d’origine juive fut bouleversée par le récit des pogroms en Russie. Dans ses poèmes et articles, elle dénonce l’antisémitisme et appelle, déjà, à la création d’un État juif en Palestine. Elle aide aussi les émigrants ashkénazes qui affluent. Leur rencontre donne un réalisme poignant aux vers ci-dessus. Le poème entier oppose habilement le Nouveau Monde à l’Ancien. Contrairement au Colosse de Rhodes, qu’une tradition erronée représente les jambes écartées, La Liberté éclairant le monde se tiendra puissamment campée, les membres joints. Elle sera femme, et de la douceur nuancera sa force. Le passage du futur au présent, les démonstratifs et les possessifs nous rapprochent de la géante à la chaleur maternelle. Les six vers finaux sont une longue apostrophe aux multiples allitérations. Pour les millions de migrants sortant des cales, la statue apparut une promesse. Comme la Porte dorée à Jérusalem. C’est par celle-ci qu’entrera le Messie !
Le Nouveau Colosse
Non comme le fameux colosse de métal
Au pas grec conquérant qui enjambait les eaux ;
À nos portes du couchant que lavent les flots
Cette femme fera front avec un fanal,
Dont la lumière est l’éclair enclos, on l’appelle
Mère des Exilés. Dans sa main brûle un feu
Qui salue l’univers ; elle guide des yeux
Le port au pont léger de nos villes jumelles.
« Garde, Vieux Monde, ta pompe passée ! », crie-t-elle
Sans voix. « Donne-moi tes pauvres, ceux qui chancellent,
Tes masses entassées aspirant à l’air libre,
Le rebut malheureux de ta rive à ras bord.
Envoie ces sans-abri que la tempête livre, Je lève ma lampe près de la porte d’or ! »
Emma Lazarus (1849-1887)
Traduction inédite de Louis Chevaillier
Il est des poèmes qui contribuent à changer le monde. En 1903, Le Nouveau Colosse est gravé dans le bronze sous la statue de la Liberté. Et la célèbre New-Yorkaise, emblème de l’émancipation des peuples, devient le symbole de l’hospitalité américaine. Terminées, les caricatures où elle se bouche le nez pour échapper à l’odeur des migrants. Vive le melting pot ! Le sonnet date de 1883. C’est la contribution promotionnelle d’Emma Lazarus à une levée de fonds pour le piédestal de la statue. Traductrice de Heine, admiratrice du transcendantaliste Emerson, la poétesse et dramaturge d’origine juive fut bouleversée par le récit des pogroms en Russie. Dans ses poèmes et articles, elle dénonce l’antisémitisme et appelle, déjà, à la création d’un État juif en Palestine. Elle aide aussi les émigrants ashkénazes qui affluent. Leur rencontre donne un réalisme poignant aux vers ci-dessus. Le poème entier oppose habilement le Nouveau Monde à l’Ancien. Contrairement au Colosse de Rhodes, qu’une tradition erronée représente les jambes écartées, La Liberté éclairant le monde se tiendra puissamment campée, les membres joints. Elle sera femme, et de la douceur nuancera sa force. Le passage du futur au présent, les démonstratifs et les possessifs nous rapprochent de la géante à la chaleur maternelle. Les six vers finaux sont une longue apostrophe aux multiples allitérations. Pour les millions de migrants sortant des cales, la statue apparut une promesse. Comme la Porte dorée à Jérusalem. C’est par celle-ci qu’entrera le Messie !