02/09/2014 à 21:59
Bonjour,
Comment définir de prendre quelqu'un en photo à son insu ?
Ou inversement, comment une personne peut elle considérer qu'elle a été prise en photo à son insu ?
Par exemple, je me balade avec une personne que je connais. J'ai mon appareil photo et elle sait que je prends des photos. A un moment elle marche devant et je prends cette personne en photo de dos ou alors elle s'éloigne de plusieurs mètres et je prends une photo, la pause est sympa et on ne voit pas le visage.
Après la balade, je fais un album photo que je transmet à cette personne qui a donc connaissance de ces photos.
Deux plus tard, l'idée me viens de créer une carte postale avec l'une de ces photos que j'envoie.
Mais la personne le prend mal et considère avoir été prise en photo a son insu. Est ce justifié ?
L'album photo est en accès privé entre moi et cette personne. Cette personne a un enfant (grand) qui connaît aussi cette photo. Personne d'autre ne connaît cette photo.
02/09/2014 à 22:31
Alors, dans le cas présent il y a deux façon de voir les choses :
1) Du point de vu de la loi, cette personne est dans un lieu public, de dos (donc pas reconnaissable) et la photo ne peut pas lui porter un préjudice moral… Donc tu as tout les droit de faire ce que tu veux de cette photo.
2) c'est un ami, et la c'est ta relation avec lui qui va déterminer ta volonté. ;)
02/09/2014 à 22:46
Merci Darth pour ta réponse.
Pour le 1, je voyais ça comme ça sur le plan juridique.
Pour le 2, ce sera une autre paire de manche. Pour moi, c'était un clin d'oeil, une attention mais pour la personne, et bien elle ne le voit pas du même oeil.
Pour revenir sur le point 1, si on fait référence aux paparazzis, la plupart du temps ils prennent des photos de personnalités sur un lieux public. Bon, en même temps ces gars se planquent et les personnes prises en photo ne le savent pas. Dans ce cas, est ce une photo prise par insu ?
02/09/2014 à 22:53
Moi je m'y connais pas trop dans ce domaine mais bon…
Si c'est un amis c'est bizarre qu'il t'embête pour ça. ;)
Je suis d'accord avec la définition de Darth moi, bien vu ! :)
02/09/2014 à 23:15
C'est une personne pour qui la discrétion est importante mais je ne pensais pas à ce point, en tous cas de cette manière.
03/09/2014 à 14:37
Comme quoi on ne connait jamais vraiment ses amis ;)
03/09/2014 à 15:57
Isany a écrit :
Merci Darth pour ta réponse.
Pour le 1, je voyais ça comme ça sur le plan juridique.
Pour le 2, ce sera une autre paire de manche. Pour moi, c'était un clin d'oeil, une attention mais pour la personne, et bien elle ne le voit pas du même oeil.
Pour revenir sur le point 1, si on fait référence aux paparazzis, la plupart du temps ils prennent des photos de personnalités sur un lieux public. Bon, en même temps ces gars se planquent et les personnes prises en photo ne le savent pas. Dans ce cas, est ce une photo prise par insu ?
Attention, le fait qu'une photo soit prise à l'insu de la personne ne change rien à l'affaire, même pas un petit peu, surtout pas dans le cas où elle n'est clairement pas reconnaissable.
°
Les stars, quand elle attaque un journal qui publie leur photo, c'est pas le fait d'avoir pris la photo qui est attaqué, ni même le fait de publier une simple photo. C'est le préjudice moral qui est mis en avant.
°
Si maintenant je photographie une personne de dos qui fait une activité normal dans un lieu publique, même si c'est à son insu, il n'y a pas de problème ! La personne ne pourra pas s'opposer à la diffusion de cette image.
03/09/2014 à 16:39
Flambidou a écrit :
[quote="Jezzu"]Même à visage visible, dès l'instant que la personne prise en photo ne peut prouver que ça lui porte préjudice
Voila :)
Mais attention, c'est la tendance en ce moment des jugements qui vont dans ce sens, mais ce n'est pas "dans la loi" si un juge décide qu'il en est autrement ben… tant pis
[/quote]
Oui, mais heureusement, la jurisprudence faisant la plupart du temps foi, on peut sans trop s'avancer que le cas d'un procès qui irait à l'encontre de ce qui a déjà été fait serait un fait terriblement exceptionnel.
03/09/2014 à 16:49
Je ne connaissais pas cette nuance sur la voiture. Merci @ouiouiphoto.
-
Comme autre cas particulier, j'ai appris que les avions français (AirFrance donc) sur territoire étranger étaient quant à eux considérés comme des ambassades françaises. Rien à voir avec le cas présenté.
03/09/2014 à 17:14
Je rajoute une pierre,
si la personne en question savait pertinemment que tu fessait des photos dont d'elle et ne s'y est pas opposé à la prise de vue alors il n'y a pas de prise à son insu.
J'ai eut une discussion avec deux reporter de TF1, j'avais été étonné qu'ils ne demande pas d'autorisation de diffusion.
04/09/2014 à 00:20
Merci pour ces échanges, c'est intéressant.
04/09/2014 à 09:35
ouiouiphoto a écrit :
[quote="gmatthieu"]Comme autre cas particulier, j'ai appris que les avions français (AirFrance donc) sur territoire étranger étaient quant à eux considérés comme des ambassades françaises. Rien à voir avec le cas présenté.
Tu es sur de cela ? Personnellement ça m'étonne. La police de n'importe quel pays a le droit d'entrer dans un avion air franc. Voir le cas DSK par exemple. Donc je veux bien te croire sur parole mais je trouve cela étonnant. Tu aurais un texte ? [/quote]
Un texte précis non. Je me base sur le documentaire sur le vol AirFrance 8969 détourné à Alger et libéré à Marseille par le GIGN en 1994. A priori j'aurais tendance à croire le discours tenu même si je ne suis pas aller vérifier ce genre de procédures diplomatiques d'urgence. Procédures qui ne doivent pas d'ailleurs se trouver facilement sur le net ;)
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Des agents étrangers peuvent entrer et vérifier des papiers certes (c'est d'ailleurs de cette façon que les 4 terroristes du GIA sont entrés dans l'avion) mais un avion peut être déclaré comme ambassade française à tout moment par le gouvernement français. C'est ce qui s'est passé pour le vol AF 8969. Les autorités françaises ont empêché les forces de l'ordre Algérienne (l'équivalent du GIGN surnommés les «ninjas») d'intervenir en déclarant l'avion comme ambassade française (ce qui est à priori automatique en cas de prise d'otage / détournement). En représaille, de bonne guerre dirons-nous, le gouvernement Algérien a refusé l'intervention du GIGN sur son sol. Les négociations ont ensuite porté sur le rapatriement de l'avion en France. Il faudra attendre l'exécution de deux passagers (un diplomate vietnamien et un français) pour que l'avion puisse enfin s'envoler avec la suite connue.
05/09/2014 à 12:29
La première réponse de Darth est exacte et conforme au droit.
Par contre le conflit est ailleurs :
Il s'agit d'une publication, la carte postale, susceptible d'être diffusée en nombre et qui impose donc un accord de publication des parties.
Il y a fréquemment des procès gagnés par des personnes qui avaient donné leur accord écrit ou non pour certaines formes d'usage de leur image mais pas pour d'autres.
L'anecdote de la territorialité d'un avion.
C'est exact, au même titre qu'un navire, mais il s'agit d'une nationalité non pas de l'armateur (avion en location ou gestion) mais de l'avion, il doit être immatriculé en France, et son équipage doit être français, et embarqué sous contrat français.
Anecdote : Les parents d'un bébé qui nait lors d'un vol ou d'une navigation en dehors des espaces aériens français ou en eaux internationale sont en droit de réclamer pour lui la nationalité française.
J'ai eu pour ma part a faire jouer cette prérogative du pavillon plusieurs fois pour protéger mes gars, parfois dans des conditions tendues.
28/09/2014 à 17:27
- J'avais vu ailleurs que Manu59 ne paraissait pas convaincu des restrictions à l'emploi des images de personnes. Voila quelque chose qui pourra le rassurer il est évident que s'il demande à un voleur s'il est en train de voler il lui répondra que non, il en va de même avec un cameraman ou un photographe je le sais car je fais de même pour récupérer du matériau d'images je le fais mais suis bien conscient des limites du système.
Toute personne, anonyme ou célébrité, dispose d'un droit sur son image. Et ce droit est le même pour tous. A l'heure des réseaux sociaux, sur lesquels les images transitent très aisément, il n'est pas inutile de rappeler les contours de ce droit prétorien.
Le droit à l'image peut se définir comme le droit dont dispose toute personne d'autoriser, ou non, la diffusion publique de son image reconnaissable. C'est la mise à disposition du public, sans autorisation expresse et écrite de l'intéressé, qui constitue l'infraction à partir du moment où la personne est identifiable. Ce droit concerne toutes les techniques (Voir Emmanuel Pierrat, Reproduction interdite ? , Maxima, 2002, pp. 32 à 34) : non pas uniquement les images filmées ou photographiées auxquelles on pense communément lorsque l'on évoque le droit à l'image, mais aussi les dessins (à l'exception de la caricature, qui est libre à condition que le but recherché soit humoristique), gravures, sculptures, images de synthèse…etc. Ce droit concerne également tous les supports (Voir Emmanuel Pierrat, Reproduction interdite ? , Maxima, 2002, pp. 34 à 37) : la presse, la télévision, internet, les livres, les cartes postales, les sacs, les t-shirts…etc.
La personne représentée doit être informée de l'utilisation publique qui va être faite de son image, et elle et elle seule est en mesure de consentir ou non à cette publication (à l'exception des mineurs, pour lesquels on sollicite l'autorisation de la ou des personnes investies de l'autorité parentale). Il est par conséquent interdit de publier sans son accord, sur un réseau social par exemple, la photo reconnaissable d'une personne, a fortiori de la "tagger" ce qui la rend encore plus identifiable puisque la personne est alors nommée. Car le consentement à la publication de la personne objet de l'image ne peut jamais être présumé : on ne peut rien déduire du fait qu'une personne sourit au photographe ou encore consent oralement à se laisser filmer. Le droit à l'image est un droit personnel, ainsi par exemple, l'employeur ne dispose pas du droit de disposer de l'image de son salarié, sauf à s'être assuré par écrit de son accord (il peut s'agir d'une clause du contrat de travail).
Il convient également d'être prudent s'agissant des commentaires qui accompagnent l'image. Car une violation du droit dont chacun dispose sur son image peut alors se mêler à une atteinte à l'intimité de la vie privée, droit garanti par l'article 9 du Code civil, si les commentaires concernent la vie sentimentale, familiale, l'état de santé,…etc. Seule entorse à ce principe, la célébrité qui se trouve dans un lieu public dans le cadre de son activité publique (Voir Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2012, Hachette Filipacchi c/ Patrick X… : "(…) la liberté de communication et d'information autorise la publication de photographies de personnes impliquées dans un évènement public, particulièrement lorsqu'il s'agit de personnes publiques s'étant exposées sciemment aux objectifs des photographes, dès lors que cette diffusion est en relation directe avec l'évènement et ne constitue pas une dénaturation de l'image de ceux qui y sont représentés (…)."), à condition que l'image ne soit pas dénaturée ou accompagnée de commentaires diffamatoires et injurieux. Il convient d'ailleurs de préciser que dans un tel cas, il existe deux infractions (atteinte au droit à l'image et violation du droit au respect de la vie privée par exemple) qui sont distinctes et qui justifient donc un droit à réparation distinct.
Ainsi, lorsqu'une personne, physique ou morale, souhaite publier l'image reconnaissable de quelqu'un et qu'elle ne dispose pas de son accord écrit, elle doit soit renoncer à la publication, soit utiliser les techniques dites de "floutage" ou de "blurage" visant à rendre flous les traits du sujet de l'image.
Seules les exceptions concernant les images d'actualité ou les images historiques dispensent de telles précautions. En effet, lorsque l'image véhicule une information d'actualité ou en rapport avec des évènements historiques, c'est le principe du droit du public à l'information, basé sur la liberté de communication et d'information, qui trouve à s'appliquer et qui supplante les droits de la personnalité auxquels il pourrait se heurter, à commencer par le droit à l'image. On considère qu'une image véhicule une information d'actualité lorsqu'elle illustre un évènement relativement proche dans le temps, par exemple une manifestation publique qui s'est déroulée la veille, voire la semaine ou le mois précédents l'acte de publication. Prenons l'exemple de certaines photos célèbres illustrant les évènements de mai 1968, publiées dans les jours qui ont suivi les faits, elles ne donnaient pas prise à l'application du droit à l'image. Et aujourd'hui, leurs régulières rééditions ne permettent pas non plus aux personnes identifiables sur ces images d'invoquer la violation à leur droit à l'image, car ces images ont désormais une dimension historique. Seule limite à l'application du principe du droit du public à l'information, le respect de la dignité humaine. Une image historique ou d'actualité qui attenterait à la dignité de la personne sujet de l'image ne peut être publiée sans l'accord expresse de cette dernière, sauf à "flouter" son visage pour préserver son anonymat.
Le monde du droit
Séverine Dupuy-Busson, Avocat à la Cour.